Un
film, un plan, light horizon réussit à capter notre attention, plus, à nous
emporter dans son univers et à nous émouvoir en moins de huit minutes. Un film
très sobre, une seule prise de vue qui nous renvoie à l’origine du cinéma, cinéma quasi muet,
d’autant plus expressif et poétique qu’il
est exempt de mots. Néanmoins la touche moderne du bruitage y introduit, intact,
le « bruissement » du monde :
eau, sifflement du vent, gazouillement, ainsi que le bruit d’un balai primordial que l’on entend
avant l’avènement du plan, rumeurs de la nature et rumeurs de l’Homme s’entremêlent dans le mouvement des rideaux
exposés aux vents…
Comme
le plan est fixe, c’est le regard du spectateur qui est en mouvement. Le regard
ne peut s’empêcher d’inspecter le champ à la loupe. Des murs troués de balles, gravés
de prénoms, messages d'amour et de haine, traces du passé venant se superposer
à l’instant présent offert. De ce voyage dans le temps (ici, pas besoin de
travelling), on se repose en regardant au loin l'horizon de la « fenêtre-tableau »,
et puis retour du regard vers cette femme qui essaie d'assainir et d'embellir
cet espace en ruines.
Une femme tout habillée de noir, comme
endeuillée, s’acharne à frotter le sol, pour rendre l’endroit plus habitable.
Elle le fait pendant six minutes, la durée
du plan se fait sentir, son épaisseur aussi. Une fois le sol lavé, elle
installe une belle table couverte de blanc, une petite fontaine, une
chaise ; des gestes simples. Elle ouvre les rideaux blancs de la fenêtre
qui laisse entrevoir l’horizon comme par intermittence, qui font sa silhouette
être, disparaitre, être \ disparaître… dans et hors champs.
La chambre en ruine évolue
progressivement vers la vie, littéralement entrevue à travers le flottement,
l’entrebâillement des rideaux blancs libérés par la femme en noir, oui, la
résistance de la vie est à la mesure de
l’acharnement avec lequel le sol est frotté,
à la mesure de ce geste quotidien. De
tout cela se dégage un sentiment de vie qui subsiste, que rien n’évince. Capté par une poésie singulière, par une
dimension ontologique, le spectateur ne s’en détachera pas vers la fin, après
l’ancrage de ce lieu dans la cartographie du monde.
Tous
les ingrédients du cinéma sont là : cadrage, surcadrage, ombre et lumière,
profondeur de l’image, l’écran, les écrans, la femme en spectatrice de l’horizon,
matérialisent sous nos regards, très subtilement, sans trop de bruits, l’universel
hymne à la vie, celle qui finit toujours par émerger des ruines comme cet Horizon léger qui s’impose au
spectateur. Vous n’en finirez jamais avec l’épaisseur de ce plan, de ce film de
Randa Maddah !
Paru dans Le Quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille 2014.
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