Dans
Derrière moi les oliviers, un sujet
tabou par excellence est abordé avec beaucoup de simplicité et de
profondeur : la collaboration de l’Armée du
Liban Sud avec Israël. Un film courageux que
la jeune cinéaste libanaise Pascale Abou Jamra tourne presque en famille. La
question n’est pas abordée de manière frontale ; pas de discours mais des situations où le
poids du passé se fait sentir à travers le vécu d’une jeune fille à peine
sortie de l’adolescence et de son petit frère qui reviennent au Liban après dix
ans d’absence passés dans le camp ennemi.
La
question de l’héritage, du legs, de la
transmission de la culpabilité est posée sans pathos. On peut penser aux
enfants de la collaboration algérienne ou aux premières générations allemandes
qui ont hérité du nazisme ; le tabou et
la culpabilité sont aussi forts aujourd’hui pour le monde arabe quand il s’agit
d’Israël. La trahison des parents pourchassent les enfants. Leur réintégration – impossible, si on s’en tient
au scénario dans sa linéarité – est pour le moins revendiquée intelligemment et
avec une pudeur touchante. En effet, il
y a quelque chose d’universel qui traverse en filigrane le film : d’abord l’âne, exsangue,
qui devient personnage à part entière, ensuite ces magnifiques plans fixes sur
le lever et le coucher du soleil (le traitement de la lumière est à lui seul
une aventure), ou encore ce gros plan sur le visage de la grand-mère, creusé de
rides…D’autre part, et de manière peut-être un peu plus explicite, il y a Babel
et les langues dispersées : Mariem qui raconte son histoire en voix off le
fait en arabe et en hébreu (alors que, terrassée par le non-dit et le poids de
la honte qu’on lui renvoie, on l’entend très rarement prendre la parole) et puis bien sûr la voix de Piaf qui chante
l’amour au moment où des Français viennent acheter à manger. Nous sommes tous
les enfants de la terre et l’erreur – devrions-nous dire l’horreur – est
universelle. Si la culpabilité doit circuler d’une génération à une autre, qu’elle
soit alors assumée par tous les hommes. Car en remontant à l’origine des
origines, ce serait à l’espèce humaine, indépendamment de toute
appartenance, qu’il faudrait demander des comptes, ou bien peut-être à l’olivier,
arbre ancestral dans cette région et symbole d’une paix qui demeure
impossible.
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