tag:blogger.com,1999:blog-23187834632932389412024-03-05T11:11:01.988-08:00CinémasSihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.comBlogger19125tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-7045902972890286092017-12-30T12:46:00.001-08:002017-12-30T12:46:41.402-08:00 Les Rencontres du Film Documentaire de Redeyef 2017 ou le geste restitué<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiRIdxJnqHqjheJEWEOxGZ-qk3mg5MtFV4Fumaf58BpMAjDSu366mXMynukL_xu1R_g3CUd1Ce9OfkBrQDRjNdtCP04Cq8RVpGdell2sA0R6wjLofhWDJtYMGh2viOxYS981_wjmupuG2I/s1600/25586826_10155971895098838_8220077938688246892_o.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiRIdxJnqHqjheJEWEOxGZ-qk3mg5MtFV4Fumaf58BpMAjDSu366mXMynukL_xu1R_g3CUd1Ce9OfkBrQDRjNdtCP04Cq8RVpGdell2sA0R6wjLofhWDJtYMGh2viOxYS981_wjmupuG2I/s320/25586826_10155971895098838_8220077938688246892_o.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjVSiESpxu2x458siFMWL6Fj2iSsQfBAePEm4QSNtXYr2wIXbGG_hV-CIDgH3iPjYXxZT0hmn_LyIielrwBudCatvoEDnQFJ1XMBVRdRlveBS-E8cI8_ZovYVJHzU1aYa_Gfr9tSVbtf10/s1600/25790809_10155981772538838_5202986387913866283_o.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjVSiESpxu2x458siFMWL6Fj2iSsQfBAePEm4QSNtXYr2wIXbGG_hV-CIDgH3iPjYXxZT0hmn_LyIielrwBudCatvoEDnQFJ1XMBVRdRlveBS-E8cI8_ZovYVJHzU1aYa_Gfr9tSVbtf10/s320/25790809_10155981772538838_5202986387913866283_o.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2LqqWRjNWe8T0CMLJm_7ehBWY2Pg09r3VbR1ZFWMaljKHg89X9kRNze2rrMRaR8NYo1wC7baMtjATxGwcnJrY47Zg5wk9MUgmEt5jdHyzdI__EDPT48wwAIiODMCyvUMJ_DkKhi4E1h4/s1600/25587808_10155975600113838_258201041313536211_o.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2LqqWRjNWe8T0CMLJm_7ehBWY2Pg09r3VbR1ZFWMaljKHg89X9kRNze2rrMRaR8NYo1wC7baMtjATxGwcnJrY47Zg5wk9MUgmEt5jdHyzdI__EDPT48wwAIiODMCyvUMJ_DkKhi4E1h4/s320/25587808_10155975600113838_258201041313536211_o.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 283.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">«<i> Le geste consiste à exposer une
médialité, à rendre visible un moyen comme tel. </i>Du coup, l’être-dans-un-milieu
de l’homme devient apparent, et la dimension éthique lui est ouverte. »<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 283.2pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Giorgio
Agamben<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le cinéma nous offre le
monde (plus que la société), nous dit Serge Daney. À Redeyef cette phrase n’a
cessé de résonner en moi et j’ai compris qu’il nous offre plus que le monde, il
nous rend à nous-mêmes et au monde à la fois, il nous restitue nos gestes
perdus. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Redeyef, c’est d’abord
la terre jaune à perte de vue et le ciel bleu et blanc, une autre Tunisie dont
on n’a pas l’habitude. La route vers Redeyef a été en elle-même une expérience
cinématographique forte, une sorte de travelling de 6h où s’imprime de plus en
plus le vide sur la rétine, où l’on passe de la société vers le monde, de la
ville concrète, figurative vers les plaines et les montagnes, une étendue, un
horizon de plus en plus abstrait. On se retrouve face à la terre comme astre,
face à nous-mêmes sans bruit et sans artifices.
<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Et quelle belle idée
que d’avoir songé à des rencontres cinématographiques dans ce décor originel,
au sein de cette terre rebelle, rebelle de part ses paysages, rebelle de part
ses habitants, ceux qui font l’Histoire mais n’en jouissent pas. Les RFDR,
c’est aussi l’engagement de jeunes cinéastes et passionnés de cinéma : Alaeddine
Slim et Belehsan Handous, de jeunes venant aussi du milieu associatif :
l’association <i>Nomades 08</i> et celle de <i>Rosa Luxembourg </i>; engagement dans
la simplicité du geste, sans fracas inutiles, sans paillettes mais avec
beaucoup de cœur et de convictions, engagement au plus proche de cette terre
dont le paysage minimaliste offre la possibilité d’une infinité de projections.
A la limite, le mot paysage n’y correspond pas, très connoté pour ce retour à
l’origine de l’Histoire, à de la terre au sens cosmique du terme ; l’univers
de <i>The last of us</i>, film du directeur
artistique des Rencontres, n’est pas loin, du moins dans ce qu’il offre comme « moyen
sans fin », comme geste nu, comme possibilité de reconnexion avec le
monde.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Ce paysage monde, ces
espaces écrans, ces « rochers ridés comme le sont les visages des
hommes » - tel que l’a si bien dit Saad Chakali au cours d’une promenade entre
deux projections dans un espace en dehors du temps et à la limite de la frayeur
à force de beauté – résonnent bien avec les territoires filmiques de la belle
programmation où écran et paysage extérieur se donnent et se redonnent la
réplique, communiquent intensément : Que ce soit de manière poétique ou politique
et sociale avec des films comme <i>Forgotten</i>
de Ridha Tlili où l’on voit des jeunes de Sidi Bou Zid exprimer leur espoirs et
désarrois quelques années après la révolution tunisienne. Dans la même veine politique, <i>Vidéogramme d’une révolution</i> de Haroun
Farouki et Andrei Ujica, la révolution roumaine perd de son « événementialité » à force d’être télévisée, transformée en
spectacles par moment touchant le burlesque. Son contre-champ est la fin de la
première partie de <i>La Bataille du Chili </i>de
Patricio Guzman, quand la caméra enregistre la propre mort de celui qui
filme ; caméra et corps impliqués dans l’événement jusqu’à en perdre la
vie. Nous sommes bien loin de la distanciation à la limite du comique. Cela se
confirmera par l’héroïsme tragique d’Allende à la fin de la deuxième partie
préférant le suicide à l’abandon du
rêve, une mort à mille lieux de celle, télévisée, celle qu’on inflige au couple
Ceausescou, annonçant la corruption à venir. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">L’intelligence de la
programmation, surtout avec un contexte politique comme celui de la Tunisie, a
été de proposer des dispositions différentes et variées par rapport à l’événement
politique voire historique ; bifurcations et virages reprenant l’histoire
de l’humanité entre espoir et désespoir. <i>La
Bataille du Chili</i> ( film en trois parties durant plus de quatre heures) qui
ponctue et inaugure, presque chaque jour, les projections des Rencontres est
là, à mon sens, pour affirmer, confirmer, assurer la <i>possibilité</i>, la beauté du <i>possible</i>
dans la résistance, résistance politique mais aussi comme nous l’ont montré
d’autres films de la programmation, résistance poétique, poétique au sens de
lien avec le monde, présence au monde, manière de faire avec les traumas de
l’Histoire, de notre manière de faire mémoire ainsi que celle de dire le dé-sastre
passé (<i>Atlal</i> de Djamel Karkar) ou
présent ( <i>Taste of cement</i> de Zied
Kalthoum ). Comment des corps, des individus incorporent l’événement pour en
rendre compte en choisissant le radicalement poétique comme dans le film de
Ziad Kalthoum (qui passe pour la première fois en Tunisie) où une voix, un œil nous
racontent une histoire faite, non de mots mais de sons, de visages silencieux
jusqu’au bout. Seule la mise en scène parle pour eux, montage alterné des chars
en Syrie et des machines aliénantes auxquelles les réfugiés syriens se trouvent
réduits au Liban, tentant de sortir du trou noir que la caméra reproduit
jusqu’au vertige de la fin. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Désastre présent mais
aussi désastre passé pris en charge par le si délicat <i>Atlal</i> de Djamel Karkar qui sonde la terre, les arbres, les visages,
les êtres avec la générosité du regard aimant au point de permettre une parole
dont la quintessence inégalable n’est pas affaire d’écriture mais de don et
d’hospitalité envers celui qui a su les regarder et les écouter jusqu’à faire
ressurgir le lieu de la trace et donner voix à la césure ; hospitalité
aussi au sens derridien, l’hospitalité de celui qui est reçu, qui sait recevoir.
<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Que ces Rencontres commencent
par un magnifique concert de Abdullah
Miniawy et Ahmed Salah (producteur, musiciens et compositeurs égyptiens,
musique indépendante accompagnant souvent des films indépendants) en dit long
sur la ligne directrice de ce beau festival
autour du cinéma documentaire : nous ne sommes pas dans des
territoires isolés, étanches à la vie, aux échanges. Nous sommes dans la voix,
le son, la musique, la lumière rouge réchauffant Redeyef et tous les terriens
présents, une présence au monde bien loin des articulations idéologiques.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La finesse avec
laquelle ont été menés les ateliers « cinéma documentaire » avec
Abdallah Yahia et « documentaire sonore »
encadré par Moncef Taleb prolonge la
démarche de la programmation. Prenant des voix, des paysages et des visages de
Redeyef, projetés à la clôture, ils continuent le tissage de ce
« Cinéma-Monde », nous ouvrant le monde, nous l’offrant dans ses
confins, loin des images et des sons ressassés, consommés, sur-consommés. De
ces films d’ateliers, je citerai <i>Oukacha</i>
dont le personnage éponyme fait du théâtre à Redeyef une raison de vivre, mais
aussi ces témoignages, ces voix sans images de personnes marginalisées et à qui
on a ôté la voix, le droit de dire. Quoi de plus politique que de leur redonner
voix quelque soit le médium, musique,
son et ou image. Les RFDR instaurent le geste dans sa simplicité, l’art comme
manière d’être dans la résistance, dans la vie, dans la résistance pour la vie.<o:p></o:p></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Delta</span></i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">,
film de Djamel Karkar, réalisé au cours de ces Rencontres, dans le cadre de <i>Regards </i>(où, avec Ridha Tlili, il a été
invité à poser son regard sur la ville) condense toute cette beauté, celle de
Redeyef et de ce qu’elle a permis de faire surgir : dans une séquence
finale, à partir du paysage, nous voyons surgir un visage en surimpression dont
le soleil rouge prend d’abord la forme avant d’apparaitre comme visage humain,
naissance de ce visage de l’astre, accompagnée d’une musique électronique
résonnant avec celle du ciné-concert <i>Le
Maitre et le Géant</i>, mené par Tarek Louati. De ces Rencontres du film documentaire, de
Redeyef, nous renaissons, nous en sortons plus présents au monde, plus vivants. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Les Rencontres du Film Documentaire de Redeyef </span><span style="text-align: center;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 12pt; line-height: 18.4px;"> du 20 au 24 décembre</span></span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; font-size: 12pt; text-indent: 35.4pt;"> 2017</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><br /></span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-46568419131564308962017-09-24T08:37:00.000-07:002017-12-30T12:13:37.853-08:00 "Fais soin de toi" ou de la subversion du désir amoureux<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1jbCtgbQwwhiEpYcdipL67Q3TXl5mKRDBaH6sTYd2IW1mXaw6G2swZlXeZeW-fWnZnUrQqLn_IY2qxWvekcD6PGpIO0w6jMAVpg2VcxafLyHihevz0rmCDeaM7j_UJJCOMDQ5QSPp8mY/s1600/17191373_1661910290772361_8625385990184101589_n.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="908" data-original-width="908" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1jbCtgbQwwhiEpYcdipL67Q3TXl5mKRDBaH6sTYd2IW1mXaw6G2swZlXeZeW-fWnZnUrQqLn_IY2qxWvekcD6PGpIO0w6jMAVpg2VcxafLyHihevz0rmCDeaM7j_UJJCOMDQ5QSPp8mY/s320/17191373_1661910290772361_8625385990184101589_n.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">Des
corps, des visages dans les rues d’Alger (?), une musique entraînante à
la fois joyeuse et mélancolique accompagnant les premiers plans, mouvements de
caméra suivant les pas dansants dans l’espace public, c’est ainsi que se fait
le lancement de <i>Fais soin de toi</i> de
Mohamed-Lakhdar Tati. L’idée de quête du sens ou du déchiffrement des signes
est annoncée par cette première déambulation assez lente et émouvante dans son
attention. Elle se confirmera tout au long du film par les différents voyages en
train, en voiture ou d’une personne à une autre sous forme de marche lors des
moments les plus intenses et ce avec le même questionnement quel que soit le
point de la carte : pourquoi est-il de plus en plus difficile
d’aimer ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">Le
film est une sorte de réponse à l’incompréhension de la mère vis-à-vis du
célibat de son fils, le réalisateur. Il
n’y aurait pas eu cette sollicitation, nous n’aurions pas eu de film. Nous
voyons l’échange entre mère et fils dès les premières séquences et comprenons
d’où vient le désir de faire ce documentaire sur le sentiment amoureux en
Algérie. Nous sommes face à un cinéma à la première personne, tout bon film
l’est mais celui-ci l’affiche et en fait le principe même de l’œuvre, son
origine et ce à quoi il est destiné : Soi comme soin du mal dit à moitié,
Soi comme moment subversif et comme possibilité de refonder le politique en
tant que liberté des individus et non en tant que domination des uns et des
autres : parler d’amour, être face à celui ou à celle qu’on aime c’est
comme « être face au président de la république » nous dit l’hilarant
petit frère, c’est aussi parler de l’expérience de cette femme noire dont la
beauté du regard traverse le paysage rouge aride se demandant si l’amour existe vraiment, renvoyant à Tati sa
question. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">S’établit
ainsi une sorte de cartographie très subjective de l’amour, à l’image de ce
petit insecte que nous voyons errer sur une carte au gré de ses sens, au gré de
son corps animal ; car il a fallu au moment du montage choisir des
témoignages, les réduire ou pas et en laisser d’autres, voire prendre dans ce
qui a été recueilli, avec le regard et l’écoute de celui qui est profondément
habité par ce questionnement, ce que le voyage cinématographique a permis de
comprendre, de prendre avec soi, de toucher, d’en constater la complexité et la
teneur bien loin de l’image initiale. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">Des
fragments d’un corps désiré, halluciné, fantasmé traversent le film ponctuant
la parole comme le font les plans sur la fourmi, l’abeille, la toile
d’araignée, les paysages, les plantes,
les rochers, le ciel, la terre rouge, minéral, végétal, animal que le propre
corps du cinéaste finit par rejoindre en ce plan final montrant son bras de
très près, sa main, lui-même devenu carte de l’amour sur laquelle circule une
fourmi résonnant avec le premier plan du film : circulation d’une fourmi
sur la tige d’une plante. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">N’a-t-il
pas trouvé le chemin de ce qu’il cherche, trouvé ou flairé sa
possibilité ? Au terme du film, nous avons l’impression que tout cela est
déjà semé dés le début grâce à un montage subtilement poétique. Que seraient ces
dévoilements non sans épaisseur et complexité que le film apporte à son
initiateur et nous donne ? Le montage est éloquent, pas en tant que rhétorique
mais en tant que poétique ; il interroge aussi bien l’humain que ce qui le
dépasse, le vivant. Cette interrogation sur l’amour en Algérie s’inscrit dans
une dimension autre que celle des frontières géographiques (la carte sur laquelle
circule l’insecte est bien confuse) : une interrogation connectée de la
manière la plus poétique à la démarche de l’univers, à ce que notre être au
monde nous révèle souvent à notre insu, d’où les différentes contradictions dans
les propos recueillis, paradoxe dans les mots mêmes ou parfois grand écart
entre le discours et le corps. « Il y a ». Il y a quelque chose qui
déborde la loi de la parole sociale et qui n’est plus possible à contenir, un
très beau plan montrant des vagues immenses et violentes débordant la plage et
des rochers artificiels jetés ici et là pour bloquer le flux sans y arriver
dessine bien ce décalage entre le dit et le dire des regards. Au cours du film,
nous sommes souvent ramenés aux sensations premières, celle de l’enfance (de
l’humanité), celle de l’étrangeté du monde, de notre être au monde sans
médiations réductrices. Ceci est évidemment angoissant, angoisse de l’Homme
sans figures réduisant le monde à du balisé, nous enfermant dans des systèmes,
nous condamnant à de la répétition sans différence, mais le film nous y
invite à cette belle étrangeté du monde ramenant le silence nous éloignant des
discours saturés de lois. Qu’est-ce qui s’y prête le mieux que le langage
cinématographique, attentif à l’espace, aux ombres, aux langages muets des
corps plus qu’à celui, encombré, de la parole ? Il y a dans le titre même
« Fais soin de toi » et non « Prends soin de
toi » (reprise d’un texto envoyé par une copine à son ami) une
adresse et une interpellation quasi politique à sortir du langage de la loi
vers l’écart du langage poétique et l’invention d’un langage amoureux à la
mesure du vivant, un langage qui permet la rencontre avec l’altérité pour une
rencontre avec soi, nous pouvons y lire ce que De Certeau appelle « la poésie de l’homme ordinaire »
comme stratégie de détournement des lois et des cohérences abusives. <i>Fais soin de toi</i> mise sur la poésie
considérée comme notre seul et dernier recours pour reprendre contact avec le
vivant, l’organique, le viscéral… Quoi de plus révolutionnaire qu’un corps
amoureux, quoi de plus subversif que l’énergie de l’amour dans son aptitude à
nous rendre on ne peut plus présent à nous-mêmes ? <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">Fais soin de toi</span></i><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 115%;">
de Mohamed-Lakhdar Tati, vu en avant-première aux <b>Rencontres Cinématographiques de Béjaia</b> (du 9 au 15 septembre 2017)<o:p></o:p></span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-10551988306916252022016-11-13T04:05:00.002-08:002016-11-13T04:05:26.981-08:00« Poétiques expérimentales » et nouvelles visibilités de la marge<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br /></div>
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<br />
<br />
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a-t-il une littérature « postmoderne »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn1" name="_ftnref1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[1]</span></span></span></span></a>
en Tunisie et quel en serait le Post- ? Post- par rapport à
quoi ? Et ce post- a-t-il induit le doute, le soupçon ou au contraire une
sorte de regain de soi, une effervescence dans les discours de tout genre (mais
essentiellement, historiographie, mémoires, chroniques…) ; la vitalité et
le bouillonnement des expressions artistiques de ces dernières années
pourraient le laisser entendre. Alors s’est-il ouvert un espace postmoderne
dans le sens de « post-révolution », « post-Événement », espace
dont les contours ou l’absence de contours commence à transparaître dans
quelques œuvres artistiques ? Y a-t-il un espace artistique inédit ou
métamorphosé post- 2011, un « espace-tournant » qui serait celui de
la transition démocratique et que le roman ainsi que le cinéma configurent
à leurs manières ? </span><br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Pour
tenter de donner corps à cette interrogation, je vais solliciter deux romans de
Kamel Riahi aux titres évocateurs <i style="mso-bidi-font-style: normal;">El
Michrat</i> :<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i style="mso-bidi-font-style: normal;"> </i></b><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Scalpel</i> (2006) et <i style="mso-bidi-font-style: normal;">El Ghourella<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b></i>: <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Le</i> <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Gorille</i> (2011)<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>ainsi qu’un film de Ridha Tlili intitulé <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Région</i> (2011). Ce documentaire vaut en tant que geste
cinématographique et sera mis en relation avec d’autres films de la même
période où se déclinent au pluriel des tendances cinématographiques similaires mettant
en avant un « matériau brut », œuvres informes comme inachevées ou
laissées à l’état d’esquisses, ouvertes à la porosité de la vie ; homme et
langage ordinaire venant déstructurer, sortir les œuvres de leur étanchéité à
la vie, sans doute dans un mouvement de déterritorialisation<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn2" name="_ftnref2" style="mso-footnote-id: ftn2;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[2]</span></span></span></span></a>.<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="color: #002060;"> </span></b></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Mettre en résonance les films et les œuvres
romanesques cités pourraient attester d’un tournant dans le champ artistique
tunisien, c’est du moins mon hypothèse de critique, ceci requiert une distance
et demande plus de temps pour que la question prenne toute sa consistance mais
c’est surtout, je dois l’avouer, mon hypothèse et mon ressenti de citoyenne qui
parcourt les villes tunisiennes et les rues tunisoises en participant à des
festivals de cinéma et à des ateliers d’écriture. Peut-être qu’une
« critique postmoderne » peut également s’actualiser en expériences
de terrain ou en témoignages avec toute la relativité que cela implique.
« Critiques littéraires et espaces postmodernes » se contamineraient
ainsi les uns les autres. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 53.4pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><span style="mso-list: Ignore;">1-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Roman et film du « tournant »</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">D’abord
pourquoi ce film et ces romans en particulier pour parler de ces nouvelles « poétiques
expérimentales » qui font émerger de nouvelles manières d’envisager l’espace
de la marge en le faisant accéder au devant de la scène et surtout en le
configurant de manière singulière sans le réduire à de l’idéologique, en le
laissant comme en suspens dans du poétique ? Le roman et le film configurent
chacun à sa façon un tournant où il serait question d’un Post-, d’un après,
voire d’un déplacement. <span style="color: red;"></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Ce
qui m’a intéressé dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Sclapel</i>, c’est
son côté prophétique, annonciateur d’un déplacement qui peut être lu a
posteriori comme le bouleversement « politique » avéré ; mais ce
sont évidemment les conditions de réception contemporaine qui me le font lire
ainsi, de cette manière emblématique. En effet, dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">El Michrat</i>, l’un des chapitres les plus marquants est le 2<sup>ème</sup>
intitulé « El Makhakh », « le dévoreur de cerveau », au
cours duquel la vie est insufflée dans la statue de Ibn Khaldoun et c’est à
travers le récit qu’elle raconte à Boulahya - l’un des personnages du roman,
écrivain s’intéressant à la figure de l’historien sociologue et ethnologue,
voyageur du 14<sup>ème</sup> siècle - que nous quittons le centre ville de
Tunis vers des régions marginalisées, du moins ce fut le programme de la statue
qui nous emmène vers un ailleurs indiscernable, méconnaissable. <b style="mso-bidi-font-weight: normal;">N</b>e supportant plus d’être sur le socle
face à l’avenue Habib Bourguiba, avenue la plus célèbre de la capitale, elle
décide de fuir et d’emprunter la voie ferrée à partir de la gare routière
« Barcelone »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn3" name="_ftnref3" style="mso-footnote-id: ftn3;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[3]</span></span></span></span></a>.
<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>N’ayant pas de billet, le personnage se
trouve dans l’obligation de se cacher dans les toilettes du train et au moment
du passage du contrôleur, il saute pour ne pas se laisser prendre. Après s’être
cogné la tête sur un pont, Ibn Khaldoun s’éveille et nous suivons ses pas qui
nous mènent vers d’autres lieux censés être ceux de l’une des régions du
nord-ouest mais dont l’exploration révèle un espace fantastique, digne d’une dystopie<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn4" name="_ftnref4" style="mso-footnote-id: ftn4;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[4]</span></span></span></span></a>
non sans lien avec le Tunis violent que l’historiographe tentait de fuir. Ses
habitants, les « Mnafikh » (les Gonflés), renvoient au toponyme du
village natal de l’auteur du roman. L’indécidabilité de cet espace de la marge entre
le référentiel, l’allégorique personnifiant les maux d’une communauté et le
poétique s’exprimant surtout à travers un traitement ironique laisse perplexe
et sème une complexité qui contaminera les autres lieux « réalistes »
du roman, voire les lieux tunisois contemporains, ceux du moment de son
énonciation (Tunis, 2006). Ce chapitre demeure suspendu entre ces différentes
bifurcations et complexifie la lecture des autres pages dont il devient l’ombre
comme en surimpression. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Dans
tout cela, ce qui me semble fondamental, c’est l’idée même du déplacement d’un
élément figé de l’espace, sorte de vitrine, métonymie de ce que l’un des
narrateurs appelle « la Rue des rues » qui sous ses apparences de
modernité, cache des violences archaïques indiquées ironiquement plus loin
entre autres par l’anecdote du suicide des oiseaux de la grande avenue.
Intéressant en effet, ce dé-figement d’une statue qui voyage à la recherche
d’autres régions, d’autres potentialités pour échapper à la violence du lieu.
Ce serait peut-être trop naïf de lire ce déplacement d’un élément de l’espace,
et pas n’importe lequel (lieu de la commémoration), comme ce qui augure d’un
déplacement historique qui finit par advenir. Mais il y a là, incontestable, le
désir <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>de déplacer le point de vue, voilà
une notion bien cinématographique, vers une histoire mentale mais aussi
spatiale comme l’actualise depuis 2011 des écrits portés beaucoup plus sur le
propre de la marge ainsi qu’une nouvelle vague de cinéma documentaire qui offre
aux regards, des lieux et des voix longtemps mis de côté, ceux des laissés pour
compte, du moins par rapport à la manière de les écrire ou de les filmer sans
discours idéologique les surplombant pour les réduire. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le
film « Jiha » (<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Région</i>) de
Ridha Tlili est tout aussi emblématique d’un certain tournant. Il s’agit d’un
film geste<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>qui vaut d’abord en tant que
manière de faire. La structure du film, le montage « sauvage » et la
manière de filmer les habitants de son village natal révèlent un rapport
singulier aux espaces-temps montés (gardés dans le montage) sachant que Tlili
filme quotidiennement, garde ses prises de vues pour les utiliser
ultérieurement dans ses projets. Le tournant est d’abord configuré à travers
l’utilisation de deux genres de matériaux : des rushs filmés avant
décembre 2011 comme le mentionne le générique de la fin du film et d’autres
prises de vue captées après janvier 2011. Donc ici, l’idée de configurer un
tournant est intentionnelle, voire avertie par le contexte historique par
opposition au roman qui a été écrit en 2006 et ne pouvait que spéculer. Le
déséquilibre temporel entre les deux parties du film du point de vue de la
durée (1h contre 7mn) est en soi représentatif d’un événement qui vient
interrompre quelque chose qui dure voire quelque chose qui pèse car la première
heure, où il utilise les rushs filmés avant 2011, est faite de séquences très
lentes<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn5" name="_ftnref5" style="mso-footnote-id: ftn5;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[5]</span></span></span></span></a>,
parfois des plans séquences où la caméra, nerveuse car portée, se déplace très
peu, quelques panoramiques, quelques recadrages ou zoom, se contentant de
s’approcher ou de s’éloigner des visages et des corps à filmer dans un espace
rural où apparaissent quelques rares paysages arides. Cette lenteur reconduit
le rythme de la vie quotidienne des villageois dans cette région ainsi que
l’absence de tout changement ; rythme long qui fait pressentir le poids du
temps ; poids qui, toutefois, se délie vers la fin de ce premier bloc
spatio-temporel (bien hétérogène quand on prend le temps de bien regarder) à
travers notamment un travelling en voiture sur une route entourée de montagnes.
Quelques choses dans le rythme se libère par rapport au mouvement dans le cadre
aussi, chorégraphie des corps à corps, cavaliers et chevaux, musique
instrumentale supplantant progressivement la parole et puis derniers plans
faits de vagues dont on entend et voit le mouvement.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Dans
cette première partie du film faite de prises de vue antérieures à janvier 2011,
le monde qui habite le village semble à l’écart, à la marge non seulement des
villes et de la capitale mais comme à la marge du temps qui coule et qui serait
ce qu’on appelle communément<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>le temps
moderne. C’est une autre spatio-temporalité que figurent ces plans fixes,
images tremblantes presque fantomatiques, sur des paysages vides comme nostalgiques
d’un autre temps ; ce que rejoue la voix d’une grand-mère s’adressant aux
ancêtres dans un chant traditionnel ou les cavaliers acteurs ouvrant le film et
dénonçant leur mise à l’écart par rapport aux cavaliers de Sousse et de Tunis
qui ont droit aux meilleurs chevaux ; chevaux utilisés pour la course mais
aussi pour jouer des tableaux d’une autre histoire lointaine. Néanmoins, loin
d’être monolithique cette première partie offre dans l’espace d’un même plan
comme deux spatio-temporalités superposées, celle qui rejoue le passé et celle
de ces visages qui marquent leur inscription dans le présent en formulant souvent
à demi-mots (mais ce fut courageux à l’époque) des revendications économiques
qui les ramènent au temps présent. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">En
effet, nous écoutons de manière successive des témoignages sur la difficulté de
vivre au village, pas d’eau, pas de moyens, pas d’investissement de l’Etat qui
viendrait remplir les rares paysages vides que nous voyons. Néanmoins, tout
cela est dit timidement, les exemples abondent tel que cet homme qui prends le
soin de demander au réalisateur s’il filme pour la télé avant de prendre la
parole ou cet autre qui après avoir émis un discours ironique remettant en
question la passivité du citoyen tunisien qui achèterait la bombonne de gaz
sans protester même si elle atteint les 100d, ajoute au réalisateur en riant :
« J’espère que tu n’es pas un espion, gare à toi si tu en es un ». Son
dernier mot reste tout de même : « L’essentiel est que nous ayons la paix
et évitions les troubles, l’agitation ». Cette agitation est justement ce
qui marque la rupture ou le passage vers une autre spatio-temporalité, celle
qui survient après le générique de la fin et qui ne dure que 7 minutes. Elle
advient donc après la fin dans un post- qui marque un rajeunissement et une
libération des corps et des voix. Filmés de très près, un groupe de jeunes
crient, revendiquent leurs droits au travail, aux loisirs au même titre que les
jeunes de la capitale, leurs rêves, ce qu’ils attendent du post- janvier 2011. Une
énergie se libère, un autre rythme s’installe, rapide, incisif, bref, rythme
que nous n’avons pas vu monter crescendo mais qui fait irruption au moment où
le spectateur s’y attend le moins et qui s’oppose subitement à la parole qui se
dit à moitié, à la désolation des paysages comme figés dans le temps, offrant
vers la fin du film en plans d’ensemble et en plans rapprochés des visages de
jeunes habités par une rage de vivre chantant non pas le chant des ancêtres,
mais un chant révolutionnaire, conscients qu’un autre espace-temps s’ouvre,
espace qui ne se traduit pas en lieux dans cette séquence finale. L’arrière
plan n’est qu’un mur blanc ; espace prospectif<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn6" name="_ftnref6" style="mso-footnote-id: ftn6;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[6]</span></span></span></span></a>
à imaginer, à rêver ; à construire, paysage que nous pouvons imaginer en
tentant de déchiffrer les visages de ces jeunes, absents de la première partie
du film.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Cette
structure en deux parties est à mon sens une manière de figurer, une bifurcation
inattendue qui viendrait rejoindre celle du roman à travers cette statue qui
subitement prend vie et se détache de son socle pour aller à l’aventure. Néanmoins,
dans le film comme dans le livre, il serait abusif de parler de rupture
radicale, car y cohabitent parfois dans le même plan ou sur la même page divers
temps inscrits dans l’espace ou sur la peau des êtres. Chacune de ces œuvres
est marquée par un métissage et une hybridité spatio-temporelle digne d’une
surimpression cinématographique.<span style="color: red;"> </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 53.4pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><span style="mso-list: Ignore;">2-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Espaces de l’hybridité et du
métissage</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Dans
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Région</i>, il y a comme un mélange
d’espace-temps (« tempuscules »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn7" name="_ftnref7" style="mso-footnote-id: ftn7;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[7]</span></span></span></span></a> ?),
plusieurs épaisseurs visibles et invisibles présentes parfois dans le même plan
et parfois dans les interstices qui séparent et joignent une séquence à une
autre. Celles-ci coexistent surtout dans la première partie du film tournée
vers le passé. Plans d’ensemble et plans rapprochés s’alternent, la caméra
portée se concentre sur des corps dans leur espace, elle devient corps parmi
ces corps, à l’écoute de la voix et du moindre mouvement. Le peu de paysages
vides et arides s’opposent à la générosité des corps filmés qui se donnent même
en parlant du révolu et de la difficulté de vivre dans cette région. La caméra
portée reconduit ainsi <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>une vie
collective où elle en devient partie intégrante comme lors de la séquence d’un
festival où rituels, chants et poésie populaires se vivent en communauté. Tel
est aussi le cas, lors d’une séquence filmée à hauteur d’homme dans une place
où l’on redonne vie au jeu rudimentaire des ancêtres appelé
« Kharegba » en dialecte tunisien : sorte de jeu de dames que
seuls les grands parents savent encore pratiquer, trace d’un passé rendu
présent, les unissant et que la caméra d’un jeune réalisateur de la région
capte de manière très simple en venant s’installer comme un corps parmi les
corps de ces joueurs, tous vieux. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Quand
ils ne sont pas filmés ensemble, nous avons des sortes de tableaux portraits où
visages et voix maintiennent leurs ambigüités tels ces plans rapprochés sur une
belle grand-mère chantant des airs d’antan. Le spectateur perçoit une voix
humaine, des voyelles ramenant à un instrument musical plus qu’à la parole
articulée, voix humaine rétive à toute forme de récupération institutionnelle,
fut-ce-t-elle celle des mots, mais les sous-titres permettent de comprendre
qu’il s’agit d’une interpellation des ancêtres. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Elle est filmée de face avec pour seul arrière
plan un « klim », sorte de tapisserie que l’on trouve généralement
dans les villages, visage et mains tatouées de signes berbères, trace du passé
sur la peau. Néanmoins, entre un plan et un autre vient s’incruster toute cette
épaisseur spatio-temporelle, traces de divers mondes subsistant à travers les
métiers et à travers des visages envisagés dans leur présence, réintégrant le
temps quand il s’agit de parler de problèmes socio-économique tel que j’ai
essayé de le développer dans le point précédent. Ces séquences sont lentes
comme je l’ai noté et installent une familiarité progressive du spectateur avec
un espace et des pratiques, des chants berbères venant d’un autre temps et
subsistant à travers la mémoire vive des corps et voix qui l’incarnent et lui
octroient une certaine présence-absence. <span style="color: red;"></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La
présence subtile de la caméra portée, discrète et à l’écoute, permet
l’ouverture des séquences à la vie et évite le danger de la récupération
folklorique qui guette généralement ce genre de documentaire. Quelques plans de
ce genre sont cités pour écarter, comme par ironie, cette manière de figer le vivant
dans du folklorique en le privant de l’hétérogénéité de ses traces et en le
décharnant de sa substance comme le feraient des images médiatique<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn8" name="_ftnref8" style="mso-footnote-id: ftn8;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[8]</span></span></span></span></a>.
Ce danger est très vite détourné grâce au montage : les plans qui suivent
ou qui précèdent ce genre de plans ( cités, à mon sens, pour être déconstruits)
leur donnent une autre orientation telle la séquence des cavaliers sur leurs chevaux
où la caméra épouse parfaitement le rythme des corps, animal et humain, dans
leur envol comme en résonance avec ce que revendiquait l’un des cavaliers, dans
la séquence précédente, en une langue arabe classique galvaudée mais qui se
libère vers la fin en y insérant un seul mot dialectal (
« chwaya » qui veut dire peu, « chawaya houriya», un peu de
liberté). En effet, la séquence d’après qui prise à part aurait pu fonctionner
comme ensemble d’images folkloriques dignes d’un reportage télé, devient l’occasion
de donner corps à ce désir de liberté. Ridha Tlili semble recycler, donner une
orientation à ces rushs selon l’énergie du moment. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le
réalisateur arrive intelligemment à contourner le danger du folklore comme ce
qui fige, en mobilisant des plans et une caméra qui sont à l’écoute du présent
de ces personnes y compris quand celles-ci rejouent un autre temps, on y
intégrant donc sa propre présence ce qui produit l’hétérogénéité foncière des
séquences et de leurs liens demeurés ouverts grâce à ce que j’ai appelé un
montage « sauvage ». Les plans ne sont pas esthétisés, cousus de
sorte à reconduire une linéarité monolithique. On demeure dans le potentiel.
Vers la fin, le film va vers de plus en plus de chants, de musique, de
son : instrument traditionnel, vent et vagues comme dans une transe où les
plans s’imprègnent de la force du cosmos, terre, vie nue. Avoir intitulé son
film <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Région</i> au lieu de donner le nom<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn9" name="_ftnref9" style="mso-footnote-id: ftn9;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[9]</span></span></span></span></a>
du village est judicieux surtout que vers la fin du film nous en sortons vers
d’autres régions marginales. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Par
rapport à cette idée de métissage et d’hétérogénéité spatio-temporelle, les
romans de Kamel Riahi sont aussi des objets curieux qui hésitent entre
tradition et modernité, fragments d’hier et d’aujourd’hui, collés ?
Montés ? comme dans un film au récit éclaté. Dans son premier comme dans
son deuxième roman, divers espace-temps et divers langages et dialectes
cohabitent donnant lieu à une hétérotopie<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn10" name="_ftnref10" style="mso-footnote-id: ftn10;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[10]</span></span></span></span></a>
qui fait sortir le lecteur de la linéarité du récit et l’inscrit dans la
complexité des nœuds spatio-temporels. Avec <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Scalpel</i>,
avant d’aborder le fait divers qui donne son titre au roman, le lecteur passe
par ce que j’ai décrit ci-dessus, le voyage d’Ibn Khaldoun dans ce qui est
censé être la périphérie pour découvrir des pratiques présentées comme celle
d’un autre temps, celle d’une tribu rencontrée, digne des contes de Grimm, appelée
les « Nesnes », êtres dotés de la moitié d’un corps, sachant que le
terme « nesnes » vient du dialecte tunisien et signifie curiosité
malsaine, voyeurisme, figures rappelant ainsi de manière allégorique celle des
indics dans le Tunis contemporain.<span style="color: red;"> </span>Cette région
qui semble pure invention faite de misogynie, de violence, de torture,
d’intolérance, de voyeurisme politique aura ses reflets, irradiera la texture
des pages suivantes et se dupliquera par la suite dans les espaces du Tunis
contemporain que les marginaux du roman traversent. <span style="background: yellow; mso-highlight: yellow;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le
métissage apparait également à travers l’insertion de formes littéraires
traditionnelles venant du patrimoine de la littérature arabe (« khourafa »
(légende), « Hadith »), de la littérature sacrée (versets du Coran
ou de l’Evangile) avoisinant l’article de journal dont le roman adopte la
typographie sur ses pages ou le journal intime pas si intime que cela vu
qu’il prend aussi en charge le récit et le commentaire du fait divers, celui de
cet inconnu qui parcourt les rues de Tunis en moto pour trancher les <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khadija</i> des femmes ( mot désignant dans
le dialecte populaire les fesses d’une femme) ; sans oublier une grande
intertextualité allant de Van Gogh à <i style="mso-bidi-font-style: normal;">La
Dame aux Camélias</i>, passant par <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’Etranger</i>,
Mahmoud Darwish…<span style="color: red;"> </span>Il y a également la narration
qui se diffracte en diverses voix dont il est difficile de localiser le lieu et
le moment d’énonciation et qui oscille <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>entre un style vivant reprenant le dialecte
tunisien dans les dialogues et des formules désuètes rappelant l’écriture
coranique ou la littérature pré-islamique aux formules<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>hermétiques ; avec une narration qui
comporte en elle quelque chose de « grivois », un texte rabelaisien
ancré dans le 21<sup>ème</sup> siècle tunisien, formes traditionnelles
réintégrées dans la narration contemporaine, celle par laquelle commence le
roman, je n’ose pas dire l’intrigue ou le récit vu la fragmentation en
chapitres décousus. Bref nous sommes face à un espace littéraire en patchwork
où règne l’ironie postmoderne<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn11" name="_ftnref11" style="mso-footnote-id: ftn11;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[11]</span></span></span></span></a>,
celle qui déforme, recycle, se réapproprie les formes et les contenus du passé
pour tenter de raconter le monde d’aujourd’hui, dans le sens de le rendre plus
ou moins présent dans sa multiplicité. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le
lecteur navigue ainsi entre des noms de rues, de places, de cafés qui existent
vraiment dans l’espace référentiel tunisois (« La Rotonde »,
« le colisée », « le théâtre municipal » de l’avenue Habib Bourguiba)
mais auxquels les narrateurs ajoutent une touche personnelle, celle de leurs
expériences avec le lieu ou avec les personnes qui sont marqués par la trace du
lieu en question telle que dans ce chapitre où est évoquée <i style="mso-bidi-font-style: normal;">la Dame de La Rotonde</i>. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>La
dame qui emprunte son nom au café est une prostituée, celle dont tombe amoureux
« Ennegro ». Découvrant chez son ami une grande bibliothèque, il se
réfugie dans la lecture pour échapper à la violence de son quotidien, ce qui
lui permet par exemple de comparer sa belle prostituée à Marguerite de <span style="mso-spacerun: yes;"> </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">La Dame
aux Camélias</i>. Cela donne une figure romanesque du marginal qui ne ressemble
pas au personnage vraisemblable de l’écriture réaliste.<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b><span style="color: red;"></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Dans
le film comme dans les romans, nous sommes plus face à des « figures-personnes »
qu’à des personnages typiques dont le récit romanesque ou filmique réduirait la
complexité foncière.<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>Ce tissu
hybride, tel que je viens de le décrire, dénote une certaine recherche de la
forme adéquate pour dire une réalité contemporaine de plus en plus complexe,
cinémas et littératures en chantier. Il révèle aussi un certain jeu avec les
formes traditionnelles non exempt d’ironie, ironie d’un sujet écrivant qui
reconnait l’impossibilité de raconter ce nœud autrement que de cette manière
biaisée, miroir diffracté où se mêlent ce que Whesphal appellerait des
« tempuscules »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn12" name="_ftnref12" style="mso-footnote-id: ftn12;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[12]</span></span></span></span></a>.
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 53.4pt; mso-list: l0 level1 lfo1; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><span style="mso-list: Ignore;">3-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Poétiques expérimentales<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn13" name="_ftnref13" style="mso-footnote-id: ftn13;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[13]</span></b></span></span></span></a> :
« prises de vie »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn14" name="_ftnref14" style="mso-footnote-id: ftn14;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[14]</span></b></span></span></span></a>, écriture
documentaire, fait divers</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Par
« poétique expérimentale », j’entends plusieurs éléments dont le plus
important me parait ce qui relève de l’espace de la marge, ce qui reste en dehors
de la loi, ce qui est donc promesse de vie à savoir, des œuvres contaminées par
des expériences ordinaires, des œuvres « chair »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn15" name="_ftnref15" style="mso-footnote-id: ftn15;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[15]</span></span></span></span></a>
plutôt que des œuvres « corps » pour reprendre la distinction de
Michel de Certeau. Ceci donne des « poétiques-indices » au lieu de « poétiques-signes ».
Comment ? En partant de « portions de vie », en adoptant une
écriture documentaire qui brouille les nomenclatures où le fait divers,
l’espace public, les régions oubliées acquièrent de la visibilité et une
poéticité venant à la fois du lieu, de la référence et du medium attentif qui
sait la capter sans reculer devant sa puissance entropique. Une écriture
documentaire non dans le sens du 19<sup>ème</sup> siècle débouchant sur le
plausible, le vraisemblable, le personnage typique mais dans le sens de tenter
de donner voix et images à des expériences de vies quotidiennes qui
déstabilisent l’œuvre et la contaminent provoquant ainsi sa belle entropie. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Les
espaces publics deviennent de plus en plus matière à fiction et « l’homme
ordinaire » pour reprendre de Certeau de plus en plus matériau du nouveau
documentaire tunisien. Il s’agit souvent d’un réinvestissement d’espace
éminemment symbolique et chargés politiquement pour faire un diagnostic
ironique sur la société d’aujourd’hui, sur ses maladies et aspirations, comme
une coupe synchronique du territoire. La source de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Scalpel</i> est bel et bien un fait divers qui donnera d’ailleurs
quelques années plus tard en 2012, un docu-fiction intitulé
« Echallat ». Quelque chose est à creuser dans l’utilisation du
matériau du fait divers ou dans la présence discrète de la caméra face à l’écoute
de personnes réelles, hommes ordinaires longtemps marginalisés y compris par la
littérature et le cinéma officiels. Ce genre de roman au moment de sa parution
en 2006 était assez rare. Ce qui m’a marqué, c’est l’effervescence<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn16" name="_ftnref16" style="mso-footnote-id: ftn16;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[16]</span></span></span></span></a>
de ce genre d’écriture suite à janvier 2011, pas forcément en mêlant les
différents genres que nous retrouvons dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Sclapel</i>
mais du moins en étant attachés à ce que l’on pourrait appeler l’urgence du
contemporain, partir de l’actualité, du fait divers, de témoignages pour en
faire des œuvres. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Cette
tendance est d’abord remarquée, pour être honnête, de manière notoire, dans le
jeune cinéma tunisien post-révolution qui aujourd’hui peut prétendre à ce qui
serait une nouvelle vague de films essentiellement documentaire, mais là aussi
la classification est désuète vu que les frontières entre poésie, fiction et
documentaire est<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>non opérationnelle dans
ce genre de films parmi lesquels nous pouvons classer <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Région</i> de Ridha Tlili ou un autre film de Abdallah Yahia au titre
évocateur, filmé à Jbal Jloud, région périphérique de Tunis abandonnée
par l’Etat et d’où le jeune réalisateur fait ressortir tout en étant très
proche de ce qu’il filme, donc sans rhétorique et sans esthétisme gratuit, la
poésie des hommes ordinaires ; le film est intitulé : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Nous sommes ici</i>. Il est difficile de
figer ces films dans un courant, ce qu’il en ressort c’est surtout la force
poétique des lieux marginalisés et des personnes filmées, force poétique qui
rend véritablement désuète la distinction entre documentaire et fiction. Ces
films fonctionnent comme ce que nous pouvons appeler des documentaires
poétiques sachant ressortir l’intensité poétique des vies (des hommes ou des
pierres) dans leurs milieux, créant ainsi une sorte de « tiers-espace »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn17" name="_ftnref17" style="mso-footnote-id: ftn17;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[17]</span></span></span></span></a>
propre au-dedans, à ce qu’on film ou écrit, et renforcé par le dehors, caméra
ou texte qui ont su le voir et s’en imprégner.<span style="color: red;"> </span>En
cela le deuxième roman de Kamel Riahi, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Le
Gorille, </i>est extraordinairement révélateur avec toujours quelque chose de
précurseur. N’étant pas inspiré d’un fait divers mais de l’ambiance politique et
sociale du régime agonisant, il annonce le fait divers d’un salafiste qui
escalade l’horloge, signe du régime de Ben Ali. Au-delà de l’anecdote du fait
divers annoncé, ce roman m’interpelle dans sa manière d’investir l’espace
public et toujours les mêmes personnages marginaux qui fascinent l’auteur. Il
propose deux manières de voir et donc d’envisager l’espace. Le roman commence
avec une séquence très cinématographique, un personnage du haut de l’horloge
regarde ceux d’en bas ; point de vue surplombant de Ghourella sur la foule.
Puis quelques chapitres plus loin, un œil magique inversé interpelle le lecteur
comme révélateur du mode de fonctionnement du roman mais aussi de ce qu’on peut
considérer comme un « tiers-espace » qui n’est ni tout à fait la vie
ni tout à fait l’œuvre, mais un entre-deux, vases communicants. Je m’explique,
cet œil magique inversé, au lieu de montrer l’espace du dehors montre l’espace
intérieur. En effet, du haut de son point de vue surplombant, « Ghorilla »
voit l’extérieur mais nous ramène aussi à travers son monologue intérieur <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à une appréhension de l’espace bien intérieure,
personnelle et intime. Il est à même de nous les faire mieux voir car ces lieux
souterrains et ou périphériques ne s’offrent qu’à ceux qui les
expérimentent : la torture dans les sous-sols du ministère de l’intérieur
tout à côté de l’horloge, les lieux publics comme quelques cinémas se
transformant le soir en espaces intimes où se retrouvent les marginalisés, les
bars et les cafés : « enclaves » où s’enferment les
pseudo-révolutionnaires scrutant les infos et les commentant sans grande
conviction. Tous ces espaces expérimentés viennent contrebalancer le regard
extérieur inexpérimenté offrant l’avenue Habib Bourguiba en vitrine fallacieuse
sauf pour les marginaux comme le Gorille qui avant d’escalader l’horloge et de
réussir à avoir ce regard surplombant, ont pratiqué les rues et ruelles invisibles,
cachés aux regards et que l’institutionnel tente d’enfouir dans l’oubli.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Voilà
pourquoi l’appellation « poétiques expérimentales » s’est
présentée : expérimentales dans la manière de faire
« romanesque » ou « cinématographique » qui reste à suivre
dans son développement mais expérimentales également par rapport à ce qu’elle
offre de nouveau, projecteurs mis sur ce que le lecteur et le spectateur a
tendance à voir dans les rues ou dans les régions lointaines mais pas dans les
œuvres d’art, du moins de cette manière là tout aussi « brute » que
« poétique », de manière à être envisagé plutôt que dévisagé. Ces
nouveaux espaces, ceux des hommes ordinaires dans leurs existences quotidiennes
sont de plus en plus présents dans le jeune cinéma tunisien de ces dernières
années. Quelque chose qui s’est activé sans programmes, sans théorie préalable,
sans concertation de groupes, est né spontanément<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn18" name="_ftnref18" style="mso-footnote-id: ftn18;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[18]</span></span></span></span></a>
du moins au début. Après 2011, ces nouveaux gestes cinématographiques se sont
imposés sans forcément être théorisés au préalable et sans que les jeunes
réalisateurs soient toujours conscients de leurs portées, ce qui, à mon sens,
donne plus de crédibilité et de consistance à la possibilité d’un tournant. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le
geste est aussi dans le mode de production de ces films qui ne suit pas le
parcours institutionnel habituel, film souvent autoproduit échappant ainsi à la
loi institutionnelle avec tout ce que cela implique comme difficultés
financières et autres comme la diffusion par exemple. Par ailleurs, je crois que
le cinéma s’y prête plus facilement que la littérature et le fait en tout cas
plus rapidement sans doute parce qu’il est moins institutionnalisé que la
littérature. Quand je dis geste « spontané », je pense aussi à la
multiplication des ateliers d’écriture littéraire et cinématographique
aujourd’hui, à la poésie de la rue en dialecte tunisien (quelque chose est à
creuser du côté de la force subversive du dialecte) <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>et à des films s’affirmant comme pur désir de
cinéma tel que <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Hécho en casa</i> de Bellahsen
Handous, filmé de bout en bout à l’aide d’un téléphone portable, sorte de
journal intime au moment des événement de 2011. Ces poétiques expérimentales
seraient aussi symptomatiques d’un désir de création, un désir tout court qui
se libère après les années de dictature, expérience équivalentes à ce qui a pu
se passer dans la littérature des pays de l’Est après la chute du mur de
Berlin.</span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Conclusion :
le tiers-espace ou l’œil magique inversé</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Que
peut la critique littéraire ou cinématographique aujourd’hui face au monde, aux
deux mondes, celui de l’œuvre et celui à partir duquel elle est produite. Elle
ne peut que suggérer, donner à voir une construction relative parmi mille
autres pour schématiser, une construction provisoirement habitable,
provisoirement génératrice de sens, contenant en elle-même comme dans les
billets d’espionnage son autodestruction au bout d’un certain temps. La
critique littéraire et cinématographique à l’ère de l’espace postmoderne ne
devient-elle pas ainsi à son tour création de mondes, à l’instar de l’écriture
documentaire, scripturale ou filmique, fiction parmi les fictions, construction
parmi les constructions, mondes imaginés parmi une infinité de mondes ? Au
lieu de prétendre à l’élucidation d’un monde, elle ne ferait que l’infiltrer, le
prendre avec elle, le « com-prendre », se l’approprier pour tenter de
faire apparaitre sa complexité, son ambigüité indépassable mais tout en
aménageant au sein même de sa complexité, entre deux nœuds, un refuge possible
mais provisoire, nécessairement provisoire, provisoire et propre ; le
« propre » qui selon De Certeau « est une victoire du lieu sur
le temps »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn19" name="_ftnref19" style="mso-footnote-id: ftn19;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[19]</span></span></span></span></a>,
comme l’est aussi <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>l’œil magique inversé
du roman, qui au lieu de refléter l’extérieur montre l’intérieur, nous fait
pénétrer dans l’intimité des choses perçues selon celui qui les perçoit.
L’œuvre critique, romanesque ou filmique serait cet œil qui même inversé,
déformé et déformant, montre et crée ce « tiers espace » qui n’est ni
ce que nous voyons, ni ce que nous imaginons indépendamment de ce que nous
voyons mais ce que l’on crée à partir de ce que l’on perçoit. La littérature et
le cinéma tunisiens actuels sont obsédés par la réalité, réel réapproprié dans
une sorte de « tiers-espace » qui n’est ni la réalité ni
l’imagination, ni un plan ni un autre mais une relation, quelque chose qui se
passe entre les deux plans et que je trouve inapproprié d’appeler synthèse. Ce « tiers-espace »
serait ce que <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>décrit <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Pessoa dans ce petit texte extrait
du <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Livre de l’intranquillité</i> : </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 35.4pt; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt;">« Nous
ne débarquons jamais de nous-mêmes. Nous ne parvenons jamais à autrui, sauf en
nous autruifiant par l’imagination, devenue sensation de nous-mêmes. Les
paysages véritables sont ceux que nous créons car, étant leurs dieux, nous les
voyons comme ils sont véritablement, c'est-à-dire tels qu’ils ont été crées. Ce
qui m’intéresse et que je puis véritablement voir, ce n’est aucune des Sept
Parties du Monde, c’est la huitième, que je parcours et qui est réellement
mienne. »</span></div>
<div style="mso-element: footnote-list;">
<br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref1" name="_ftn1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[1]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Concernant ce que l’on peut
entendre aujourd’hui par le « Postmoderne », voir l’article de
Philippe Daros : « Le Postmoderne comme dissolution de
l’œuvre ». [ <a href="http://www.vox-poetica.org/t/articles/daros2015.html">http://www.vox-poetica.org/t/articles/daros2015.html</a>
]</span></div>
</div>
<div id="ftn2" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref2" name="_ftn2" style="mso-footnote-id: ftn2;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[2]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> « Ces décharges d’énergie
chaotique affectent le territoire au point d’en évacuer toute identité stable.
Soumis à une dialectique qui se dérobe aux grands récits de légitimation (les
idéologies à « manifestes » qu’avait recensées Lyotard), le
territoire cesse d’être univoque. Les lignes de fuite amorcent une
déterritorialisation. Et le territoire, mu par cette énergie qui le
déterritorialise, est subordonné à une reterritorialisation provisoire qui
elle-même aboutira à une déterritorialisation ultérieure, etc. ». Bertrand
Westphal, <i>La Géocritique</i>, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Réel,
Fiction, Espace</i>, Les Éditions de Minuit, 2007, p. 89.</span></div>
</div>
<div id="ftn3" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref3" name="_ftn3" style="mso-footnote-id: ftn3;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[3]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-spacerun: yes;">
</span>« Barchalouna » comme le prononce le tunisien ordinaire et tel
que choisit de le transcrire le romancier.<span style="mso-spacerun: yes;">
</span></span></div>
</div>
<div id="ftn4" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref4" name="_ftn4" style="mso-footnote-id: ftn4;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[4]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Par opposition à utopie, il
s’agit d’ « une société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire
ou une idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné.» <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Dictionnaire Larousse</i>.</span></div>
</div>
<div id="ftn5" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref5" name="_ftn5" style="mso-footnote-id: ftn5;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[5]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Cette lenteur voulue nous
rappelle le premier cinéma documentaire comme chez Flaherty par exemple d’où
ressort quelque chose d’anthropologique voire d’ontologique : « Pour
Flaherty la caméra est une interface paysages\visages, et le montage relate une
durée, emprunte du temps cyclique des saisons […] ; dans la mouvance
de Flaherty, le cinéma direct anthropologique de Pierre Perrault ou Jean Rouch
par exemple. ». François Niney. <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’épreuve
du réel à l’écran, Essai sur le principe de réalité documentaire</i>, Éditions
de Boeck, 2002, p.55.</span></div>
</div>
<div id="ftn6" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref6" name="_ftn6" style="mso-footnote-id: ftn6;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[6]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Il s’agirait de l’émergence d’un
cinéma de la « représentation » qui paradoxalement vient après un
cinéma tunisien de la « projection » comme le distingue Tahar
Chikhaoui dans un article où il aborde l’explosion du documentaire supplantant
la fiction après 2011 : « Le flux des documentaires le montre bien.
Ce qui est supposé avoir déjà eu lieu, ce qui est supposé avoir préparé la
projection arrive après, semble se substituer à la fiction et la dépasser. Il
s’agit juste d’un retour de l’histoire, un juste retour de l’histoire. » [http://nachaz.org/blog/entre-projection-et-representation-2-par-tahar-chikhaoui/]
<span style="mso-spacerun: yes;"> </span><cite><span style="mso-spacerun: yes;"> </span><span style="mso-spacerun: yes;"> </span></cite></span></div>
</div>
<div id="ftn7" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref7" name="_ftn7" style="mso-footnote-id: ftn7;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[7]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Plutôt que les notions
bakhtiniennes de « chronotope » et de « polyphonie », la
notion de tempuscule me semble mieux correspondre au métissage spatio-temporel
décrit dans ce qui suit : « Car il appartient au postmodernisme
d’avoir assuré le passage de la ligne, des lignes, à une sémantique des
tempuscules, à une sémantiques où les points échappent à toute dynamique
linéaire dans un contexte de métissage et de dialogue absolus. ». Bertrand
Westphal, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit.,</i> p.33. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></div>
</div>
<div id="ftn8" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref8" name="_ftn8" style="mso-footnote-id: ftn8;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[8]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> « Le voyeurisme, pour
jouir à l’aise, suppose une mise à distance – qui protège du risque du contact
– en même temps que l’abolition (illusoire) de toute médiation : une
fausse transparence, une saisie direct et à sens unique des sujets offerts en
objets à mon regard immédiat, sans recours, ni retour, ni détour (on aura
reconnu le fonctionnement basique du dispositif télévisuel). C’est précisément ce
que déjoue Vertov en affirmant visiblement le Ciné-Œil non comme une relation
duelle (de prédation puis de monstration) et impérative (« vois ! »
mais comme une relation triadique et réflexive (« je te montre
que »), interposant la caméra dans l’échange de regards, incluant filmeur
et spectateur dans le filmé, et la projection dans le film. ». François
Niney. <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’épreuve du réel à l’écran, Essai
sur le principe de réalité documentaire</i>, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit.,</i> p. 66.</span></div>
</div>
<div id="ftn9" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref9" name="_ftn9" style="mso-footnote-id: ftn9;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[9]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Nous comprenons que c’est l’espace
de la marge qui importe beaucoup plus qu’une identification ou reconnaissance
référentielle, c’est le rapport à la terre, à la poésie du cosmos qui est mis
en avant mais avec un attachement au <b style="mso-bidi-font-weight: normal;">local</b>
traduit par la spécificité du dialecte par exemple. Par rapport à l’importance
du « local » dans les sociétés postmodernes, voir Michel Mafessoli, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Notes sur la postmodernité, le lieu fait
lien</i>, Éditions du Félin, 2003.</span></div>
</div>
<div id="ftn10" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref10" name="_ftn10" style="mso-footnote-id: ftn10;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[10]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Mélange de formes, de tons et de
genres (à la fois fantastique et réaliste) : « Est hétérotopique tout
« contre-cite » où les sites « réels » sont représentés,
contestés, inversés. L’hétérotopie foucaldienne est cet espace que la
littérature investit en sa qualité de « laboratoire du possible »,
d’expérimentatrice de l’espace intégral qui se déroule tantôt dans le champ du
réel, tantôt en marge de celui-ci. L’hétérotopie permet à l’individu de
juxtaposer plusieurs espaces en un même site, ceux-ci fussent-ils <i style="mso-bidi-font-style: normal;">a priori</i> incompatibles. ».
Westphal, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit.,</i> p. 107.</span></div>
</div>
<div id="ftn11" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref11" name="_ftn11" style="mso-footnote-id: ftn11;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[11]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Parlant de Allan Wilde, Pierre
Schoentjes, dit pour distinguer ironie moderne et ironie postmoderne :
« Il retient le terme d’ironie pour circonscrire les deux attitudes, mais
l’ironie propre au modernisme est « disjonctive », elle constate
l’incohérence du monde aussi bien que du texte et s’efforce de la maîtriser,
tandis que l’ironie « suspensive » du postmodernisme ne cherche plus
à aller au-delà du paradoxe : avec sa vision encore plus radicale de la
multiplicité, de l’aléatoire, de la contingence et même de l’absurdité,
[l’ironie] abandonne carrément la quête d’un paradis – <b style="mso-bidi-font-weight: normal;">le monde dans tout son désordre</b> est simplement (ou pas si
simplement que ça) <b style="mso-bidi-font-weight: normal;">accepté</b> » <i style="mso-bidi-font-style: normal;">(Introd.).</i> ». <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Poétiques de l’ironie</i>, Éditions du Seuil, 2001, p.287. </span></div>
</div>
<div id="ftn12" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref12" name="_ftn12" style="mso-footnote-id: ftn12;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[12]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> « L’interaction entre les
tempuscules est, comme l’événement défini par Gilles Deleuze, « une vibration,
avec une infinité d’harmoniques ou de sous-multiples, telle une onde sonore,
une onde lumineuse, ou même une partie d’espace de plus en plus petite pendant
une durée de plus en plus petite » qui pour rester perceptible, se
déploiera au-delà du seuil d’intelligibilité. Se pourrait-il alors qu’une
sémantique des tempuscules régît la logique archipélique du temps postmoderne ?
». Westphal, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit.,</i> p. 32. </span></div>
</div>
<div id="ftn13" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref13" name="_ftn13" style="mso-footnote-id: ftn13;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[13]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Littératures ou poétiques
expérimentales n’est pas à confondre avec un mouvement avant-gardiste tunisien
du même nom qui s’est développé dans les années 60-70, ayant réagi contre les
formes traditionnelles de la littérature arabophone et prônant des formes
modernes esthétisantes (c’est pour cela que j’insiste sur le côté spontané du
geste) qui ne soit ni réduplication du « patrimoine » ni imitation de
l’occident mais une troisième voix. Le chef de fil de ce courant Ezzedine
Madani a lancé ce courant à travers une œuvre qui a fait date : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’Homme zéro</i>, récit du quotidien d’un
homme ordinaire du matin jusqu’à sa condamnation le soir. En y réfléchissant,
il pourrait y avoir une certaine filiation notamment par rapport à ce paradigme
de l’homme ordinaire et de la poésie de son espace (probablement de manière
consciente chez Kamel Riahi, même si les générations qui en ont héritées sont
essentiellement celles des années 70 et 80). Néanmoins, cette filiation serait
le simple fait du rapprochement du critique littéraire car les auteurs et
cinéastes ne la réclament pas surtout que la critique de cette littérature
expérimentale fut essentiellement structuraliste, que ses objectifs théorisés
sont plus esthétique, formaliste, moderniste que sociaux ou politiques. Il y
est plus question d’une histoire de l’écriture, une aventure intellectuelle
obsédée par la littérarité du texte que d’une écriture « spontanée »
de l’histoire comme je le pense de ces nouvelles poétiques littéraires et
cinématographiques.</span></div>
</div>
<div id="ftn14" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref14" name="_ftn14" style="mso-footnote-id: ftn14;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[14]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> L’expression « prise de
vie » est empruntée<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à Niney dans un
chapitre intitulé « Prise de vue, prise de vie » où il distingue
« deux formes inaugurales » de mise en scène du réel et leurs
limites », celle de Vertov et celle de Flaherty.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>La présence de la vie dans l’œuvre n’est<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>évidemment pas prétention de restitution<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>sans médiation : « Le cinéma, comme
toute technique et moyen d’expression, participe de la recherche et de la
fabrication d’objets et de visions que nous puissions partager, de la
nécessaire construction d’un monde commun habitable. ». François Niney. <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit., </i>p. 56.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></div>
</div>
<div id="ftn15" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref15" name="_ftn15" style="mso-footnote-id: ftn15;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[15]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> De Certeau parle de l’ « opacité »
de la chair par opposition à la « limpidité » du corps
nommable : « De cette chair opaque et dispersée, de cette vie
exorbitante et trouble, passer enfin à la limpidité d’un mot, devenir un
fragment du langage, un seul nom lisible par d’autres, citable : cette
passion habite l’ascète armé d’instrument combattant sa chair ou le philosophe
qui en fait autant avec le langage, « à corps perdu », comme disait
Hegel. ». Michel de Certeau, <i>L’invention du quotidien, 1. Arts de</i> <i>faire</i>,
Éditions Gallimard, 1990, p.219.</span></div>
</div>
<div id="ftn16" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref16" name="_ftn16" style="mso-footnote-id: ftn16;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[16]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";">Le rapprochement entre cette
tendance de plus en plus affirmée dans le jeune cinéma tunisien et ce qui se
passe dans la littérature tunisienne au sens large me parait fondamental vu
qu’une sorte d’ « écriture documentaire » commence à s’affirmer
depuis Janvier 2011, historiographies, biographies, site sur l’actualité publié
en livre, récits d’incarcération publiés ou republiés, jusqu’aux fictions
contaminées de plus en plus par l’actualité politique ou ce que l’on peut
considérer comme le fait divers « politique », ainsi est le cas du
dernier <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Comar</i> de la meilleure
première œuvre où une femme raconte de manière toujours aussi fragmentaire et
déconstruite la disparition de sa fille partie en Syrie retrouver l’Etat
islamique. Ainsi est également le cas du deuxième roman de Kamel Riahi qui
annonce un fait divers survenu quelques mois après Janvier 2011 où un
« salafiste » escalade l’horloge du centre ville pour y installer le
drapeau noir.</span> <span style="font-family: "Times New Roman","serif";"></span></div>
</div>
<div id="ftn17" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref17" name="_ftn17" style="mso-footnote-id: ftn17;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[17]</span></span></span></span></a> <span style="font-family: "Times New Roman","serif";">« L’entre-deux abrite un
possible, « le fantôme d’un troisième homme comme le dit Serres. Ce
troisième homme vit à l’intersection des point de vues, dans un
« espace médian » ; il est pure fusion et transforme
l’entre-deux en un « tiers-lieu d’utopie » qui peut-être étendu au
monde. […] Deux ans après Bahaba, Soja s’est à son tour prononcé en faveur d’un
tiers-espace. Chez lui, le <i style="mso-bidi-font-style: normal;">third space</i>
se métamorphose en <i style="mso-bidi-font-style: normal;">thirdspace</i> pour
devenir un lieu de fusion intégrale : « Tout entre en contact dans le
tiers espace (<i style="mso-bidi-font-style: normal;">thirdspace</i>) : la
subjectivité et l’objectivité, l’abstrait et le concret, le réel et l’imaginé,
le connaissable et l’inimaginable, le répétitif et le différencié, la structure
et l’agencement, l’esprit et le corps, le conscient et l’inconscient, le
discipliné et le transdisciplinaire, la vie quotidienne et l’histoire sans
fin. ». Soja propose lui aussi une rupture explicite à l’égard des
systèmes binaires. ». Bertand Westphal, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit.,</i> pp. 117-120. </span></div>
</div>
<div id="ftn18" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref18" name="_ftn18" style="mso-footnote-id: ftn18;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[18]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> L’expression « prise de
vie » est empruntée<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à Niney dans un
chapitre intitulé « Prise de vue, prise de vie » où il distingue
« deux formes inaugurales » de mise en scène du réel et leurs
limites », celle de Vertov et celle de Flaherty. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>La présence de la vie dans l’œuvre n’est <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>évidemment pas prétention de restitution <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>sans médiation : « Le cinéma, comme
toute technique et moyen d’expression, participe de la recherche et de la
fabrication d’objets et de visions que nous puissions partager, de la
nécessaire construction d’un monde commun habitable. ». </span></div>
</div>
<div id="ftn19" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref19" name="_ftn19" style="mso-footnote-id: ftn19;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">[19]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Michel de Certeau, <i>L’invention
du quotidien, 1. Arts de</i> <i>faire</i>, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">op.cit. </i></span></div>
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<br /></div>
<div class="MsoFootnoteText">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Ce texte a été écrit dans le cadre d'un colloque autour de Critique littéraire et espaces postmodernes, Sienne, Septembre 2016. </i></span></div>
</div>
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Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-31961091426245997142016-11-06T06:12:00.005-08:002016-11-06T06:18:42.123-08:00Métamorphose de la ville de Bizerte entre esthétique et politique dans le cinéma de Jilani SAADI<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Jilani Saadi est un réalisateur tunisien
dont la ville natale (Bizerte) est la source d’inspiration permanente, voire
une sorte de schème obsédant de son imaginaire. Loin d’une représentation
ethnographique et référentielle, sa caméra offre une image fantasmée de la
ville. La médiation poétique de la ville est marquante dès son premier long
métrage <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma </i>(2003), un univers
fait de jeux sur la mémoire collective, de mélange entre espace réel et espace
rêvé avec, toujours sous-jacent, un regard critique.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Espace de prédilection du cinéaste,
Bizerte figure dans la majorité de ses films. Bien plus qu’un décor ou une
scène, la ville avec ses détours, routes, ruelles, mer, forêts, grottes, pèse
comme un actant essentiel. Je propose d’étudier l’évolution de la perception de
la ville de Bizerte mobilisant le premier long-métrage du cinéaste intitulé <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma</i> (La<i style="mso-bidi-font-style: normal;"> Bêtise</i>, 2003) et le dernier long-métrage distribué : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> (2014) où figure une nouvelle
manière d’appréhender l’espace, ce film a été préparé par le court-métrage
expérimental <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun </i>où nous sommes
face à une ville fantôme.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun
</i>(2012), Bizerte est vidée de ses habitants et de ses bruits, des travellings
l’envahissent et la traversent. Nous plongeons dans ses routes et ruelles,
accompagnés d’une musique hypnotique, comme dans les entrailles d’un corps
humain. Le questionnement de sa propre pratique suite à un bouleversement
historique radicalise ce qui dans sa cinématographie est plus de l’ordre de la
rêverie que de la représentation typique. Le dernier film, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2 </i>(2014),<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>est de bout
en bout rêverie, songe, mirage… </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 18.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Comment
lire l’impact du politique sur cette nouvelle manière de concevoir et de filmer
la ville chez Jilani Saadi ? En quoi le politique métamorphose son
esthétique de la ville ? </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 18.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; tab-stops: 130.55pt; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;">1-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";">
</span></span></span></i></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Du scénario,
lieu du conte, à la fiction minimaliste, espace du mouvement</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 18.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.4pt;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Khorma</span></i><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"> raconte
l’histoire du personnage éponyme, sorte de fou du village, valet d’un maître
spirituel dont le commerce est la mort et les mariages. Vieillissant, il
s’embrouille et annonce la mort d’une femme au lieu du mariage de sa fille. A
partir de ce moment, les rapports de forces s’inversent et c’est le disciple,
simple d’esprit, qui s’empare de la place du Père pour devenir maître des lieux
de la vieille ville, lieu éminemment ritualisé. Tout se passe bien jusqu’à ce
que le personnage, rêveur avant d’occuper la place qu’il occupe, sorte des
attentes du groupe et se retrouve à son tour délogé de son pouvoir et chassé
des lieux après avoir subi une sorte de châtiment christique. Dans les derniers
plans du film, nous le voyons quitter le lieu labyrinthique de la Medina. Ainsi
raconté, le scénario présente bien un début, un nœud, un dénouement et des
transformations suite à des éléments perturbateurs. En effet, nous sommes bien
dans l’univers du conte au sens benjaminien<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn1" name="_ftnref1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></span></span></span></a>
<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>avec des narrateurs au sein même du film
et une communauté qui écoute et réagit à son tour (Exemple : <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>la séquence où se décide la promotion de
Khorma en maître à la place de Bou-Galb devant la mosquée, lieu communautaire
par excellence ainsi que celle où se décide sa destitution, toujours par la
communauté à la fin du film où nous les voyons arriver massivement, en plan
général puis en plans frontaux comme un seul corps, pour rétablir la justice du
groupe ).</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Autre élément renforçant l’idée de groupe qui
régit les règles du lieu, la bande son du film, souvent intradiégétique, liée
aux chants populaires et traditionnels des mariages ou à celui du Coran
psalmodié au cimetière le jour du <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Moussem
(</i>Fête des morts), autre lieu du rite régi par le communautaire. Psalmodies,
chants et danses collectifs introduisant la choralité sont à opposer à la voix
de Khorma chantant Abdelhalim sur les terrasses de manière solitaire<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">. </b><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="color: #c00000;"></span></i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Khorma</span></i><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">, titre du film,
reprend donc le nom d’un personnage de conte qui vit une aventure, une histoire
sans restes, l’histoire d’un caractère au sens classique du terme. A<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>cet égard,<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>l’évolution vers le deuxième titre, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i>, qui signifie « sans »<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>ou « bidon », est très
significative.<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Dans
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn2" name="_ftnref2" style="mso-footnote-id: ftn2;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[2]</span></b></span></span></span></a></i>,
nous n’avons effectivement pas affaire à des personnages typiques mais à des
figures qui errent, traversent l’espace de la ville sans suivre l’itinéraire
réglé et ritualisé de la vieille ville de Bizerte tel qu’il est configuré dans
le premier film. Dans ce film de 2014, le scénario se minimalise, la caméra ne
semble pas raconter une histoire mais enregistrer des moments de déambulations
vécus par Abdou, Aida et un curieux vieillard, avec quelques
événements-accidents ponctuant ces mouvements, trajectoires sans but. Leurs
routes se rencontrent par hasard mais ni nœuds ni dénouements ne sont
perceptibles. Il y a des gestes de violences fulgurants pouvant être assimilés
à des événements mais filmés de sorte à ce qu’ils passent inaperçus en deux
trois plans d’une durée plutôt brève : le viol d’une ancienne maîtresse,
l’accident, moment de rencontre des jeunes avec ce vieillard en peignoir
violet, personnage sur lequel s’ouvre le film dans une chambre face à un
aquarium. Encore plus symptomatiques de la désorientation de l’espace-temps
fictionnel, les derniers plans du film s’inscrivant plus comme le début d’une
autre histoire violente où se joue quelque d’archaïque. Le spectateur y voit le
geste d’une agression qui s’interrompt brutalement par un mouvement de caméra
plongeant littéralement au fond de la mer accompagnée, en fond sonore, de
souffles comme ceux d’un scaphandrier, puis dans le même mouvement retour à
l’eau de l’aquarium du premier plan du film dans la chambre du même
vieillard ; aquarium signifiant que nous étions sans doute dans le rêve ou
la conscience fantasmagorique de cet homme, vieillissant et anonyme, joué par
le réalisateur lui-même, ce qui n’est pas sans importance tel que nous le
développerons dans ce qui suit.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">D’épisodiques,
l’errance, les déambulations sans motifs, la marche, les travellings en voiture
ou en vélo deviennent constants. Le temps où les personnages sont en mouvement
envahit la fiction qui se décharne pour devenir pur mouvement, enregistrement
d’une caméra qui suit des figures. La caméra souvent portée ou mise sur le
véhicule qui les fait se déplacer ne raconte plus une histoire, elle accompagne
des corps dans leur errance. Dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun
2</i>, la fiction éclate, se fragmente, il n’en reste que des débris,
dérangeant, vertigineux aussi vertigineux que les mouvements des corps qui
portent la caméra. L’univers s’en retrouve complètement bouleversée, inversée
comme l’atteste d’abord le premier plan avec<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>cette photo de Ben Ali à l’envers dans un aquarium mais surtout ce
miroir promené sur le porte-bagage de la voiture du jeune homme qui traverse la
ville de Bizerte, ville dont nous voyons des fragments à l’envers où il devient
difficile de distinguer le haut du bat, miroir qui fragmente l’espace. Ces
séquences du miroir figurent à mon sens de manière tangible la désintégration
de l’espace, des personnages, de l’intrigue et donc de la fiction rassurante
pour le spectateur, une sorte de déterritorialisation<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn3" name="_ftnref3" style="mso-footnote-id: ftn3;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[3]</span></span></span></span></a>
au sens deleuzien. Ce dernier est mis au milieu d’une déflagration à décrypter.
La fiction n’est plus ce corps qui empêche le corps de s’éparpiller dans
l’espace. Est-ce une manière de dire la folie, la limite entre le visible et le
dicible, l’angoisse qui n’est plus contenu par une histoire comme serait
contenu un corps dans et par la peau ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Retenons
pour ce premier point, une première métamorphose, celle d’un geste
cinématographique quittant le lieu du conte pour ce qui s’assimilerait plus à
l’espace<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>solitaire du roman<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn4" name="_ftnref4" style="mso-footnote-id: ftn4;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[4]</span></span></span></span></a>.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Visuellement
et cinématographiquement parlant, cette évolution est perceptible dans la
manière dont est représenté le lieu de la vieille ville de Bizerte d’un côté et
l’espace de la ville moderne de l’autre. Nous passons du labyrinthe à
l’étendue ; les plans s’ouvrent mais cette étendue est limitée par la
forme sphérique (obtenue grâce à l’utilisation d’une mini-caméra non
professionnelle ; la Gopro. Les figures dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>se débattent à
l’intérieur d’une sphère souvent vide.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="color: #c00000;"></span></b></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;">2-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Du labyrinthe à l’étendue d’une sphère </span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Jusqu’ici
j’ai employé la figure de ville-labyrinthe sans la développer. En effet, la
vieille ville dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma</i> est
configurée comme un lieu où se tasse la communauté, condensée en un personnage
collectif. Les ruelles sont étroites et se resserrent sur les personnages comme
les codes de la circulation du pouvoir qui les régissent. Les journées comme la
circulation des personnages dépendent des rituels de la vie communautaire.
Bou-Galb, le maître, se réveille de bonne heure, fait sa prière du matin avant
d’attaquer sa journée où on le voit avec Khorma parcourir les rues de ce
labyrinthe de la Médina. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Quand
Khorma se rebaptise Bilel, prénom de celui qui appelle à la prière au temps du
prophète, <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>le parcours<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn5" name="_ftnref5" style="mso-footnote-id: ftn5;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[5]</span></span></span></span></a>
que nous venons de décrire se répète, seule variation, le protagoniste n’est
plus le vieux Bou-Galb mais le jeune Khorma ; effet de miroir : nous
voyons les mêmes gestes, les mêmes déplacements vers presque les mêmes endroits
ou leurs équivalents dans des plans quasiment identiques. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">En
effet, les plongées dans ce film renforcent l’idée d’un lieu complexe mais
rigoureusement balisé, celui de la doxa, murs qui s’affaissent sur les
habitants, murs rassurants mais se resserrant sur les corps dans cette exigüité
d’où ressort, dans la manière de filmer, l’ambigüité des frontières entre le
dehors et le dedans. Cette frontière indiscernable est reconduite par l’étrange
ressemblance de ses petites ruelles labyrinthiques avec l’intérieur des maisons
surtout quand elles sont filmées d’en haut. Ces plongées nous permettent de
constater et de structurer du regard l’être labyrinthique de ce lieu
communautaire. </span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Dans
le film tourné en 2014, les plans s’évident considérablement. Ce motif du vide
est d’autant plus essentiel dans le nouveau geste cinématographique que le
court-métrage <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun</i>, (2012) ayant
préparé à ce <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i>, filme la ville
de Bizerte vidée de ses habitants comme nous l’avons signalé en introduction.
Donc la notion du vide est primordiale pour la genèse même du long-métrage de
2014. Deuxième métamorphose, nous passons du lieu<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn6" name="_ftnref6" style="mso-footnote-id: ftn6;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[6]</span></span></span></span></a>
plein<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn7" name="_ftnref7" style="mso-footnote-id: ftn7;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[7]</span></span></span></span></a>
et homogène à<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>un évidement et à une
hétérogénéité spatiale.</span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 17.85pt; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">L’évidement et l’étendue des plans
s’expriment à travers la présence remarquable des travellings dans le film,
leur possibilité dit en quelque sorte ce passage du plein de la foule à ce qui
serait une ville en cours de dépeuplement. Les figures principales de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> ne cessent de traverser les
rues de Bizerte : Abdou en voiture, Aida à bicyclette, le vieux en
peignoir violet à pied. Ils ne vont pas quelque part comme Khorma ou Bou-Galb,
ils circulent sans avoir de destinations ni<span style="color: red;"> </span>de
buts précis. On sait où l’on va lorsqu’on se déplace en groupe, l’errance
serait le fait du vide, de l’isolement, de l’abstraction d’une conscience qui
essaie de recréer le monde<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">.</b></span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 17.85pt; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;">3-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Des plongées « surplombantes » vers la
perte du point de vue</span></b></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<br /></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Dans
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i>, il y a quelques plongées
mais comme la camera<span class="Caractresdenotedebasdepage"> </span>utilisée
rend le cadre sphérique, le point de vue n’a pas l’air surplombant comme dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma </i>et comme le suggère toute plongée
en tant que vue d’en haut, détachée de ce qu’elle montre, à l’image de ce que
serait le point de vue d’un dieu du haut de son ciel sur le monde d’en bas.<i style="mso-bidi-font-style: normal;"> </i>Dans<i style="mso-bidi-font-style: normal;">
Bidoun 2</i>, même en plongée, le point de vue demeure<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>à l’intérieur de la sphère, faisant quand
même partie de ce monde intérieur où le haut semble très proche du bas. Il en
résulte une sorte d’élargissement des routes, des quartiers filmés,
indépendamment des paysages volontairement ouverts qui envahissent le film. En
d’autres termes<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">, </b>alors que la
position de la caméra en plongée dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma</i>
contribue au resserrement du lieu, celle de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun
2,</i> vu la forme sphérique des plans, participent à leur élargissement mais
avec la disparition de la possibilité de dominer l’espace d’un regard et de le
dominer en en étant à distance et en dehors<span style="color: #c00000;">.</span></span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Ceci
résonne très bien avec la présence du réalisateur en tant qu’acteur dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> et son absence de l’univers
fictionnel dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Khorma</i>. Sa présence
dans le film de 2014 implique le choix de la dépossession du pouvoir pour se
laisser aller au potentiel. Loin de contrôler et de maitriser l’univers crée et
dirigé, il en devient acteur personnage aussi démuni, aussi fragile que ceux
qu’il dirige. Sur l’écran, ce sont bien ses personnages qui le prennent en
charge. Après l’avoir écrasé en pleine nuit d’errance en automobile, Aida
propose de s’occuper de lui au lieu de l’abandonner sur l’autoroute comme le
suggère Abdou. Toujours avec ses lunettes de plage, il a littéralement perdu le
point de vue. Il est trainé en fardeau, corps inerte, marionnette de ses
acteurs ou vieux-nouveau-né que la jeune fille nourrit en mère consciencieuse.
La démarche dit la dépossession volontaire du pouvoir, qui dans le contexte du
tournage se traduit par la dépossession de la maitrise mentale de son propre
univers<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">. </b>Quelque chose qui est de
l’ordre de la perte est susceptible d’ouvrir l’expérience, d’ailleurs le film
se définit plus comme expérimental<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftn8" name="_ftnref8" style="mso-footnote-id: ftn8;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">[8]</span></span></span></span></a>.</span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Cette<span style="color: #002060;"> </span>démarche
cinématographique ouverte sur l’expérience serait aussi une position politique
de la part du réalisateur, avouant être complètement déconcerté par le nouveau
paysage de la transition démocratique qui a été le déclencheur d’une mise à
plat de son « savoir » et de ses outils d’expression
cinématographique. Jilani Saadi, exprime de part cette esthétique de la perte
du point de vue, l’urgence de renouveler son geste cinématographique et
d’enterrer la vieille méthode pour être en phase avec le changement historique. </span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<br /></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-left: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="color: #c00000;"></span></b></span></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;">4-<span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span></b><b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Paysage de mer et de grottes : espace originel,
fœtal ?</span></b></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; mso-list: l0 level1 lfo1; tab-stops: list 0cm; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<br /></div>
<div class="MsoListParagraph" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify; text-indent: 18.0pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Avec <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun
2</i> nous ne sommes plus sur la terre ferme même lorsque l’errance et le
mouvement des corps se fait sur les routes, le travelling fait défiler les
paysages et donne l’impression au corps de glisser dans l’espace comme serait
la nage au fond de la mer. La perte du point de vue, avec cette nouvelle
manière de filmer où le plan passe du rectangle vers la forme sphérique,
suggère comme un retour vers un espace originel, espace quasi-fœtal, où
l’univers du film n’est plus offert à l’extérieur sur l’écran en surface plane
mais comme ramenant le regard du spectateur à l’intérieur d’un monde, au ventre
de la terre, commencement de la vie, prémisses de l’existence. L’espace est
ainsi à reconstruire, à redessiner, à restructurer comme le début d’un monde,
c’est ce que suggérerait l’évidement de la ville, le vide s’exposant et se
surexposant dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun</i> et dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i>. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">La présence marquante de la mer, résonne
avec la forme sphérique propice à la plongée dans les profondeurs plus qu’au
parcours linéaire et horizontal d’une surface plane que ferait un arpenteur
pour une représentation cartographique. Se pose alors l’hypothèse d’un retour
vers soi, d’une sorte d’interpellation à l’introspection. En somme, dans cette
nouvelle manière de filmer Bizerte en tant que ville natale du réalisateur, il
y a comme un retour aux origines, tels que peuvent le suggérer ces<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"> </b>plans sur les grottes de Bizerte où
Abdou et Aida se débarrassent enfin du fardeau qu’ils traînaient partout.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Cette esthétique inédite configure-t-elle
un certain repli sur soi, se recroqueviller comme un embryon dans sa bulle
aquatique afin d’échapper à la terreur ambiante, à la médiocrité des discours
politiques de l’assemblée constituante en période de transition
démocratique ? La bande son reprenant les discours médiocres de
l’assemblée accompagnant les travellings en bicyclette de Aida absorbée par son
envolée et ne prêtant aucune attention à ce verbiage qui polluent l’espace,
pourrait le laisser entendre.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Ou bien est-ce une manière de vouloir renouer
avec ce qui serait un espace liminaire, celui de toute expérience au sens fort
du terme ?<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Une manière d’accéder à
l’espace primordial afin de tout recréer ? Ces espaces, profondeur de la
mer ou grottes nous ramènent à ce geste à aspect inchoatif venant après le
vide. Ceci assimilerait le geste cinématographique à une sorte de cosmogonie.
Le mouvement de plongée dans les profondeurs d’un inconnu, nous y lisons une
sorte d’interpellation du spectateur afin que se recrée un nouveau monde et un
nouveau langage forcément inarticulé comme tout langage de l’Evénement et de
l’ « Expé-ri-ence » (Claude Romano : 1999, 195). Ainsi,
l’immersion grâce à la bande sonore, surtout quand il s’agit du son de l’eau de
la mer, sonne comme une abolition du langage articulé et suggère la recherche
d’un autre langage à la mesure de l’Expérience politique qui peut rendre
l’univers aux Hommes. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; tab-stops: center 8.0cm left 14.0cm; text-align: center;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Conclusion : L’interpellation du spectateur par
immersion </span></b></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; tab-stops: center 8.0cm left 14.0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; tab-stops: center 8.0cm left 14.0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Selon Francesco
Casetti, tout film aménage un espace à son spectateur idéal et le configure en
le conditionnant du moins en partie. (Casetti : 1990). La forme sphérique,<span style="color: #17365d;"> </span>la caméra portée à même le corps des acteurs
enregistrant soubresauts et souffles, la musique souvent extradiégétique<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>(donc ayant moins une fonction dramatique et
s’adressant plus aux sensations du spectateur) favorise l’immersion. Finalement,
la force de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> réside dans
cette alliance entre un univers, qui de part son désert peut être perçu à la
fois comme éminemment conceptuel, voire une proposition réflexive sur son
propre cinéma, et en même temps profondément sensoriel au point de nous
aimanter dans son propre espace. Evider, aérer, n’est-ce pas une manière
d’accueillir le spectateur, d’aiguiser son imagination et de l’inviter à créer
son propre monde, son propre film ? A travers un tel geste
cinématographique n’est-ce pas également, sur le plan politique rendre l’espace
au citoyen à travers des images non pas du « lieu commun » mais comme
le formule Didi-Huberman, des images qui rendent possible un « lieu du
commun », un espace comme celui que configure <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> rendant compte de notre expérience vertigineuse à tous du
politique mais le faisant en un langage bien singulier, offrant des images qui
nous impliquent, qui provoquent « notre volonté de regard »,
suggérant une démocratie à construire en mettant en avant, non le critère du
consensus, « lieu commun », mais la singularité qui ne nie guère la
possibilité d’un lieu où il y ait un partage du commun. Nous terminons sur ces
expressions de Didi-Huberman qui résonne bien avec ce que fait le cinéma de
Jilani Saadi, susciter « la volonté du regard » et avec ce que
requiert l’acte critique, le « droit de regard », droit et devoir de
regard :</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 1.0cm; margin-right: 1.0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">« Exposer
les peuples : interminable recherche de la communauté. A quiconque
s’interroge aujourd’hui sur le destin social des images, l’exposition des
peuples apparaîtra d’abord comme une quête impossible : le lieu du commun
ressemble trop souvent, en effet, au lieu commun […]. C’est notre regard, notre
volonté de regard qu’il faut investir, de cette responsabilité politique
élémentaire consistant à ne pas laisser dépérir le lieu du commun en tant que
question ouverte dans le lieu commun en tant que solution toute trouvée.<span style="color: #17365d;"> » (</span>Georges Didi-Huberman : 2012, 98)<span style="color: #17365d;"></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 35.45pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<span style="color: #17365d; font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"> </span><span style="color: #17365d; font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"></span><span style="color: #17365d; font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;"> </span>
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 35.45pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 35.45pt;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: center;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Bibliographie</span></b></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Bertrand
Westphal, <i>La Géocritique</i>, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Réel,
Fiction, Espace</i>, Les Éditions de Minuit, 2007. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Walter Benjamin,
« Le narrateur » <i>in</i> <i>Écrits français</i>, Éditions
Gallimard, 1991. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Michel Serres,
« Discours et parcours » <i>in</i> <i>L’identité</i>, Séminaire
dirigé par Claude Lévi-Strauss 1974-1975, Éditions Grasset et Fasquelle, 1977.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Michel de
Certeau, <i>L’invention du quotidien, 1. Arts de</i> <i>faire</i>, Éditions
Gallimard, 1990.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Insaf Machta,
« Un film manifeste, Bidoun 2 de Jilani Saadi ».
[https://www.turess.com/fr/lapresse/93464]</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Claude Romano</span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">, <i>L’Événement et le Temps.</i><span style="mso-bidi-font-style: italic;"> Paris</span>, Presses universitaires de
France, 1999.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Francesco
Casetti, <i>D’un regard l’autre. Le film et son spectateur</i>, Presses
universitaires de Lyon, 1990. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 36.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; mso-list: l1 level1 lfo2; tab-stops: list 36.0pt; text-align: justify; text-indent: -18.0pt;">
<span style="font-family: "wingdings 2"; font-size: 12.0pt;"><span style="mso-list: Ignore;"><span style="font: 7.0pt "Times New Roman";"> </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt;">Georges
Didi-Huberman, <i>Peuples exposés, peuples figurants, L’œil de l’histoire, 4</i>,
Les Éditions de Minuit, 2012.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 18.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 18.0pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="mso-element: footnote-list;">
Texte écrit en Avril 2016 à l'occasion d'une communication faîte à l'Université McGill. Montréal.</div>
<div style="mso-element: footnote-list;">
<br />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref1" name="_ftn1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>« La tradition orale – héritage du genre
épique – est autrement constituée que ce qui fait le fond du roman […]. Ce que
le narrateur raconte, il le tient de l’expérience, de la sienne propre ou d’une
expérience communiquée. Et à son tour, il en fait l’expérience de ceux qui
écoutent son histoire. ». (Walter Benjamin : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">1991,</i> 270) </span></div>
</div>
<div id="ftn2" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref2" name="_ftn2" style="mso-footnote-id: ftn2;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[2]</span></span></span></span></a> <span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt;">Voici le
synopsis de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bidoun 2</i> : « Tunisie
2013, une société en pleine ébullition pendant la rédaction de sa nouvelle
constitution. Deux jeunes errants, Aïda et Abdou, se rencontrent une nuit par
hasard. Leurs routes vont se croiser et se décroiser jusqu’à partager leur mal
être. ». [http://www.africultures.com/php/index.php?nav=film&no=17209]</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt;"><span style="mso-spacerun: yes;"> </span><span style="mso-spacerun: yes;"> </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 200%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 17.85pt; margin-right: 0cm; margin-top: 0cm; text-align: justify; text-indent: 17.3pt;">
<br /></div>
<div class="MsoFootnoteText">
<br /></div>
</div>
<div id="ftn3" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref3" name="_ftn3" style="mso-footnote-id: ftn3;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[3]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> Ces séquences d’un miroir qui
désintègre le territoire pourrait s’assimiler au mouvement de « déterritorialisation »
qui serait le fait du bouleversement politique. Cette « déterritorialisation »
est à lier fortement à l’immersion sollicitée par le film telle que nous
l’étudions dans ce qui suit. Elle pourrait fonctionner comme invitation à une « reterritorialisation ».
Nous aurons ainsi ce mouvement ou cette tension entre déterritorialisation et
reterritorialisation continue comme nouvelle manière de traverser l’espace,
« transgressivité » que la fréquence des travellings figure
pertinemment : « […] le territoire cesse d’être univoque. Les lignes de
fuite amorcent une déterritorialisation. Et le territoire, mu par cette énergie
qui le déterritorialise, est subordonné à une reterritorialisation provisoire
qui elle-même aboutira à une déterritorialisation ultérieure, etc. De même que
la transgression permanente finit par devenir transgressivité, un territoire
rendu incessamment mobile finira par être présidé (pour ainsi dire) par une
quasi impalpable dialectique déterritorialisante. » (Bertrand Wesphal :
2007, 89) </span></div>
</div>
<div id="ftn4" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref4" name="_ftn4" style="mso-footnote-id: ftn4;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[4]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";">« Le romancier, par contre,
s’est confiné dans son isolement. Le roman s’est élaboré dans les profondeurs
de l’individu solitaire, qui n’est plus capable de se prononcer de façon
pertinente sur ce qui lui tient le plus à cœur, qui est lui-même privé de
conseil et ne saurait en donner. » (<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Ibid</i>,
270)</span></div>
</div>
<div id="ftn5" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref5" name="_ftn5" style="mso-footnote-id: ftn5;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[5]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> Nous renvoyons à la notion de
parcours dans son lien au discours telle qu’elle a été développée par Michel
Serres dans par exemple « Discours et parcours » <i style="mso-bidi-font-style: normal;">in L’Identité</i>. (Claude Lévi-Strauss : 1977, 25). </span></div>
</div>
<div id="ftn6" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref6" name="_ftn6" style="mso-footnote-id: ftn6;" title=""><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="Caractresdenotedebasdepage"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[6]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> Concernant la distinction
« lieu », « espace », Michel de Certeau<i style="mso-bidi-font-style: normal;">, </i>dit dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">L’invention du quotidien, 1. Arts de faire</i> : « Un lieu est […]
une configuration instantanée de positions. Il implique une indication de
stabilité. Il y a <i style="mso-bidi-font-style: normal;">espace</i> dès qu’on
prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et
la variable de temps. Il est en quelque sorte animé par l’ensemble des
mouvements qui s’y déploient. […] L’espace serait au lieu ce que devient le mot
quand il est parlé, c'est-à-dire quand il est saisi dans l’ambiguïté d’une
effectuation. […] A la différence du lieu, il n’a donc ni l’univocité ni la
stabilité d’un « propre » ». (Michel de Certeau : 1990, 173).</span></div>
</div>
<div id="ftn7" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref7" name="_ftn7" style="mso-footnote-id: ftn7;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[7]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> Dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">La Géocritique, Réel, Fiction, Espace</i>, les notions de « l’encore- vide »
et du « trop- plein » sont développées<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>dans la partie « Référentialité »
et ce, dans leurs relations avec les mouvements de
« déterritorialisation » et « reterritorialisation ».
(Westphal, 2007, 130).</span></div>
</div>
<div id="ftn8" style="mso-element: footnote;">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=2318783463293238941#_ftnref8" name="_ftn8" style="mso-footnote-id: ftn8;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"><span style="mso-special-character: footnote;"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[8]</span></span></span></span></span></a><span style="font-family: "times new roman" , "serif";"> Voir à ce propos, un article
très intéressant d’Insaf Machta, intitulé « Un film manifeste,
Bidoun 2 de Jilani Saadi ». [https://www.turess.com/fr/lapresse/93464]</span></div>
</div>
</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-3784997579747660662016-01-29T11:03:00.003-08:002016-01-29T11:05:56.553-08:00L’étrange familiarité de l’espace dans Karama Karama de Camille Lugan<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtp9zgKc4Zp9sK8VD8lfwVvKOsltcC5FYLbC71LES_n9_Hxh3r7MIB25fzqW702J2xNjbyvsBsXxZ-dYE8Sg_vMxL99FrOyJX_gKMbC2yZps-0S7XuCz5uaOJyOy1TQJuGo-AvoL9Yerk/s1600/K.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtp9zgKc4Zp9sK8VD8lfwVvKOsltcC5FYLbC71LES_n9_Hxh3r7MIB25fzqW702J2xNjbyvsBsXxZ-dYE8Sg_vMxL99FrOyJX_gKMbC2yZps-0S7XuCz5uaOJyOy1TQJuGo-AvoL9Yerk/s320/K.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "times new roman" , "serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Karama Karama est un film
déconcertant, il nous tient de bout en bout pour que tout recommence de plus
belle au dernier plan. Que s’est-il passé ? Pourquoi je ne comprends pas ?
Il s’est pourtant bien passé quelque chose. Anouar débarque à Dubaï pour
rencontrer Amir El Kais, son collègue. L’éblouissement de son regard au moment
où il traverse une sorte de lac sera vite remplacé par une inquiétude quand il
arrive dans un chantier en construction en plein désert que la caméra parcourt
en suivant les pas du personnage. Quelque chose d’angoissant s’installe, une
désolation, est-ce celle du personnage ou celle de l’espace ? Ce serait
sans doute celle de leur première rencontre. On pense à l’étrangeté de l’espace
que l’on ressent en voyageant dans un pays pour la première fois pourtant quoi
de plus familier que les routes, les murs... ? On pense à Ponge et à l’étrange
familiarité des choses. On s’attend à tout moment à ce que la fiction bascule
dans le film de genre, fantastique ou d’horreur, quelque chose au-delà du réel
circule et demeure insaisissable. En effet, une tension progressive s’installe,
un rapport à l’espace bien particulier, un peu hostile, une étrangeté qui
imprègne les choses les plus anodines, les murs d’un chantier, des routes et
des véhicules d’une propreté et d’un alignement déconcertants, un centre
commercial où le personnage cherchant de l’aide auprès du responsable finit par
tourner en rond comme dans un cauchemar sans issue. D’ailleurs, l’espace y est
flou nous voyons surtout le visage du personnage réagir en plan rapproché, ses
réactions importent. En contre-champ à cette grande inquiétude, à ce ressenti
d’un espace hostile, une séquence vient contrebalancer la tendance et nous
voyons Anouar céder à une sorte de transe joyeuse, hésitant au départ d’adhérer
à ce que deux jeunes lui proposent : écouter une musique contagieuse qui
éveille l’envie de bouger. C’est à ce moment-là précisément que le titre du
film apparait, <i>Karama</i> est le nom d’un
quartier et l’on rappelle qu’il s’agit d’un mot arabe sans en donner le
sens, mais en quoi cela nous avance-t-il ? Amir El Kais est toujours hors
champ et le spectateur est en attente de ce fait qui se transforme en événement
à force d’être différé. On reste en attente de quelque chose et de
quelqu’un et dans les interstices de
cette attente des états, des émotions se vivent : l’anxiété, la colère, la
rencontre, la joie le temps d’une danse en plein air et puis retour à l’attente
pour enfin retrouver dans le désert un Amir qui dit ne pas être lui-même, que
le Amir que Anouar cherche avait juste besoin de disparaitre, besoin de sortir
de soi (ente autres en voyageant, en allant à la rencontre de l’inconnu …).
Dernier plan, rien ne se dénoue, tout reste ouvert, la tension, l’attention est
à son apogée. Effet de miroir ? Amir serait-il l’autre d’Anouar qu’il
cherche sans trouver, l’autre en soi qui s’éveille quand on sort de la
familiarité de l’espace ? Et quoi de meilleur que le cinéma qui permette
cette sortie de soi, le temps d’un voyage dans l’espace-temps inconnu du
film ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: 'times new roman', serif; font-size: 16px; line-height: 17.5px;">Texte écrit lors des 13èmes rencontres cinématographiques de Béjaia.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-51359216422964759622016-01-24T09:15:00.000-08:002016-01-24T09:15:52.741-08:00L’amour d’une caméra présente-absente <div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="line-height: 17.5px;"><b>Une politique de l’amitié dans « Je suis le peuple » d’Anna Rousillon</b></span></span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="line-height: 17.5px;"><b><br /></b></span></span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="line-height: 17.5px;"><b><br /></b></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiHemIuROXCmMJvjMJg1W8ROiJP51NBbvBggkouGqoIMpawJlaMqz-BgQkMSh8DxrWWWTh2C3Dn2NfnPD7CC-LkY0azaVwh0RuD-7iT49dPuNhBydOe9nSeXAVDgP5QUoRZLVO3GIr-xAo/s1600/maxresdefault.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiHemIuROXCmMJvjMJg1W8ROiJP51NBbvBggkouGqoIMpawJlaMqz-BgQkMSh8DxrWWWTh2C3Dn2NfnPD7CC-LkY0azaVwh0RuD-7iT49dPuNhBydOe9nSeXAVDgP5QUoRZLVO3GIr-xAo/s320/maxresdefault.jpg" width="320" /></a></b></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">«
Je suis le peuple » d’Anna Rousillon est un documentaire qui marque par sa
générosité et sa justesse ; juste parce que généreux et à l’écoute de
l’environnement qu’il filme, champs, animaux, humains de toutes générations…La
caméra, bien vivante ne se contente pas de pourchasser un sujet préétabli. Comme
un sismographe, elle suit les ondes et fluctuations de cet univers dans lequel
elle se fend progressivement jusqu’à se faire oublier. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">La
caméra est partie intégrante de cet espace-temps. Elle ne filme pas de
l’extérieur en restant à distance. Cette caméra a un nom, une voix, on la
taquine, et par moments de manière très subtile et avec beaucoup d’humilité,
elle s’exprime, pose des questions, réagit à ce qu’elle filme, écoute, rigole,
discute…Sa voix, on l’entend à peine, elle donne la parole. Anna, la cinéaste,
est d’abord une amie, elle a dû vivre une expérience humaine forte et
authentique pour obtenir autant de vérité dans les attitudes au cours du film.
Farrag, sa famille, les villageois ont en face une personne à qui ils font
confiance et non une caméra désincarnée qu’on braquerait sur eux, on se soucie
d’elle, on plaisante avec elle, on lui livre sa pensée... A aucun moment on ne
ressent la peur ou le blocage. Dans l’une des séquences, Farrag le dit
« non, je n’ai pas peur ». La question est posée par la
cinéaste comme pour indiquer a contrario le degré de confiance incroyable
qui s’établit, cette capacité profonde qu’a la caméra d’être avec.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">«
Je suis le peuple » ne montre pas la masse indéterminée ou l’énergie des
manifestants de Place Tharir par exemple. Dans ce film, le peuple a un visage,
un tempérament. Passant d’un individu à un autre, le peuple s’incarne dans sa
sagesse comme dans sa complexité, ses contradictions qui disent sa vivacité,
son apprentissage du politique de manière progressive, son implication malgré
lui, malgré sa prudence… Politique, il l’est plus que tous, dans son vivre
ensemble, dans la solidarité, dans sa pratique de la vie quotidienne. </span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;">A
travers des individus singuliers, l’image d’une communauté combative au
quotidien se dessine, des individus prêts de la terre, de l’eau qui coule et
qui souvent ne coule pas. Il y a de l’amour partout, de l’amour gratuit comme
le définit Farraj au début du film, là où le film livre son fil conducteur, son
moteur : l’ « anthropophilie », de l’amour entre les
hommes… </span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;">La
complicité avec la cinéaste est perçue dès les premiers plans où l’humour et la
rigolade règnent. Cette posture de confiance, de retrait de la cinéaste tout
autant que d’implication est un équilibre curieux. C’est justement comme en
amour, la réserve dit la grande implication, l’écoute, la générosité. On en
oublie l’objet caméra, l’objet technique qui aurait pu empêcher les personnes
personnages de vivre, de se livrer sans masques ou les pousser à être plus en
représentation, on ne les sent pas du tout tétanisés. Sans une
vraie rencontre, le film n’aurait pu se faire, il est tissé de cette confiance
progressive qui permet une pensée vive, amicale. Rousillon filme à hauteur
d’hommes comme on dit, des hommes au plus près de la nature et du naturel. Enfants et adultes dégagent une présence sans vernis. Le « peuple »
réussit ce qu’il y a de plus difficile à l’air de l’image et du virtuel :
être soi, dire soi, se laisser vivre sans se sentir épié, et pourtant la caméra
est là, présente absente, amicale, les regards la traversent comme à travers
une vitre car ils ne voient pas un objet qu’on braque sur eux mais un regard
amical, bienfaisant qui se pose sur eux pour partager un événement des plus
bouleversants en leur compagnie. La caméra accompagne, n’épie pas, du cinéma
vrai et une bonne leçon d’humanité.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;">Texte écrit lors des 13èmes rencontres cinématographiques de Béjaia.</span></div>
<h1 class="fbPhotoAlbumTitle" style="-webkit-font-smoothing: antialiased; background-color: white; color: #141823; font-family: helvetica, arial, sans-serif; font-size: 18px; margin: 32px 214px 7px 213px; padding: 0px; text-align: center;">
<br /></h1>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-14934168845024084382015-09-06T01:55:00.000-07:002015-09-06T01:55:07.465-07:00 Ombres et lueurs dans Lmuja de Omar Belkacemi<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgqIKAgo4RLEBtqakjl4typgJ5MrMKvggcCMx7VJUQR-OHsaqRzDUuJ_27b7E9VbdKzD58UoRINGA9zY2O1dfqSE5Wv09Hmk6jgZ0T9EdDWd0jYt7AnIKkwDpNWsQRjYNFjh7A8vMVagao/s1600/l+affiche+du+film+lmuja+derniere+version.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgqIKAgo4RLEBtqakjl4typgJ5MrMKvggcCMx7VJUQR-OHsaqRzDUuJ_27b7E9VbdKzD58UoRINGA9zY2O1dfqSE5Wv09Hmk6jgZ0T9EdDWd0jYt7AnIKkwDpNWsQRjYNFjh7A8vMVagao/s400/l+affiche+du+film+lmuja+derniere+version.jpg" width="286" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Lmuja</span></i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">
de Omar Belkacemi est une aventure du clair-obscur dans tous les sens du terme.
Ses personnages sont d’abord des ombres, ombres d’eux-mêmes. Le ton est donné
dès le prologue dans toute sa complexité au cours de ce lent plan fixe qui
creuse dans le temps et imprime sur les murs des traces d’ombres et de lueurs.
Tout prend l’allure d’un drame, d’une tragédie mais à bien y regarder, il y a
une autre histoire que la lumière du film conte en amont. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Ombre est d’abord
Mokrane qui suite à la fermeture des usines pendant la décennie noire perd son
travail et ne trouve plus de quoi nourrir sa famille. Le mot
« fantoche » est prononcé dans le témoignage du gardien d’une société
dévastée. Il est interviewé par Redouane venant d’ailleurs enquêter sur une
crise économique laissée longtemps hors-champ. La mise en avant du terrorisme
sanguinaire immédiat a mis de côté ses répercussions économiques et existentielles
désastreuses sur des familles qui en souffrent jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à l’ère
des nouvelles révolutions. Le journaliste séjourne chez sa sœur, femme de
Mokrane, mort-vivant, ombre sans souffle, sans espoir qui tantôt se met à
vendre ses vêtements tantôt rôde dans les rues de Bejaia du matin au soir
jusqu’au soir de sa fin sous les yeux de son enfant. L’ombre, c’est aussi le
libéralisme économique qui pèse par son omniprésence à travers ce lent et long
travelling sur les conteneurs du port où la caméra finit par trébucher sur un
paquet de Marlboro surement pas par hasard. Plan subjectif, regard lucide de
Redouane menant son enquête. Mais détrompez-vous, l’ombre, tenue à distance,
imprègne progressivement le journaliste à l’œil observateur dont le regard
clairvoyant est nuancé voire assombri par un ami à la sortie du bar lui
reprochant de mal voir quand ce dernier conseille d’occuper l’espace public au
lieu d’enfermer le politique dans les bars. Lumière borgne, regard partiel,
pour bien voir il faut être sur place en Algérie. Ceux qui sont sur place ne sont guère
épargnés. Ils se perdent dans le discours au moment de l’urgence de l’action.
Tout en nuances, le point de vue sur la victime n’est également pas dénué de
clair-obscur. Sans ressources, Mokrane refuse au nom du conservatisme social
que sa femme travaille. C’est sans doute la seule à être positive, nous la
voyons constamment active, occupée à la maison, ne cédant pas à la déprime,
tentant de rassurer son époux au moment de l’insomnie, rappelant que la
dignité, c’est le travail. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">La force du point de
vue qu’offre<i> Lmuja</i> est dans sa
subtilité et dans son côté insaisissable. Le nœud se serre, se complique entre
crise économique, traditionalisme et mauvaise foi du marché économique. La
séquence du bar le condense bien. On ne sait où se situe le cinéaste sinon dans
ces interstices entre ombres et lumières, dans la lueur de l’espoir comme
appel. Il ne fait que montrer le nœud, « mettre en lueurs » comme en
poésie, montrer, laisser le propos se cristalliser en langage lumineux ;
Jean Cocteau le disait bien, au cinéma l’encre c’est la lumière. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> Tragique en apparence, Lmuja, donne matière à espérer.
En contre-champ de tout ce que nous venons de décrire, il y a la conscience
politique, le débat dans le bar aux murs rouges où l’on écoute Matoub Lounes,
la présence de l’enfant et sa joie pour le cartable et bien sûr le travail au
niveau de la lumière. La première séquence dont nous avons parlé n’est pas
complètement sombre, on voit des ombres mais ils sont éclairés par une lueur.
Le plan est coupé en deux comme qui dirait que le verre est à moitié plein. En
écho à cette lueur, il y a aussi cette voiture borgne à un seul phare qui passe
deux fois dans le film, effet du hasard dit le cinéaste, magie du cinéma, effet
du film vrai qui génère naturellement son propre sens. Il n’y a pas d’ombre
sans lumière et le film nous mène progressivement du clair-obscur vers une
déflagration finale de lumière immaculée coïncidant néanmoins avec le suicide
du père. Il n’est pas anodin qu’elle s’allie au cri de l’enfant. Ainsi, de l’ombre
nous passons à une lumière intense dans sa violence, elle n’en est pas moins lumière,
cri de l’enfance, de ses possibilités, ouverture de l’avenir à force de douleur
ou page blanche à écrire…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> Film programmé en avant-première aux </span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 11pt; line-height: 115%;">13<sup>èmes</sup></span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;"> Rencontres Cinématographiques de Bejaia le 11 septembre 2015 à 18h.</span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-45343534195232978582015-01-14T09:08:00.001-08:002015-01-14T09:11:47.898-08:00Des fantômes de la voix à la voie de l’image dans The unbearable presence of Asmahan de Azza El-Hassan <span style="color: black;"></span><div class="separator" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em; text-align: center;">
<br /></div>
<span style="color: black;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8W7KEw0Tk6C8tyAKLdaIY8QaUcpZ7Cm7VLGmJxNzhjzu2aFwogjy8MzZGuXFN3dgM18f3fsYhxthVPuHyl9xxyq_3LBFoADKL_nLrhQrRHN8n71PasUstEohhGzOC1wXd_BeDK5Kgkw4/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8W7KEw0Tk6C8tyAKLdaIY8QaUcpZ7Cm7VLGmJxNzhjzu2aFwogjy8MzZGuXFN3dgM18f3fsYhxthVPuHyl9xxyq_3LBFoADKL_nLrhQrRHN8n71PasUstEohhGzOC1wXd_BeDK5Kgkw4/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" height="198" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; mso-margin-bottom-alt: auto; mso-margin-top-alt: auto; text-align: justify;">
</div>
</span><br />
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em; text-align: center;">
<br /></div>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Asmahan est avant tout une voix, une voix marquée par
l'outre-tombe, y compris de son vivant, voix dont seuls les mélancoliques
ressentent l’empreinte, un peu comme celle de Quignard ou de Duras en
littérature. Fascination, arrêt du temps, la voix d'Asmahan partage ces
attributs avec le cinéma, portions de temps (conservées à tout jamais dans la
boîte) devant lesquelles nous ne pouvons décrocher notre regard, du moins quand
la magie opère. Rapprocher Asmahan du cinéma semble ainsi presque naturel et ce,
en-deçà du fait qu'elle-même ait été actrice et indépendamment du
parcours romanesque de sa propre vie qui se prête à la modulation
cinématographique. Avec le cinéma, elle partage avant tout l'être fantomatique
de sa voix fascinante.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"></span> </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Quels liens possibles entre Asmahan,
être mélancolique, et les espaces parcourus par la caméra de Azza
El-Hassan ? Une <i style="mso-bidi-font-style: normal;">voix off</i> tisse
un voyage entre l’Egypte, Vienne et le Liban d’aujourd’hui en poursuivant la
figure et l’histoire mystérieuse de la chanteuse. Elle s’adresse, comme dans
une lettre ouverte, à la défunte, pour lui parler de la survivance de sa voix
mais surtout des mutations du monde d’aujourd’hui. En effet, le film est
marquant de par sa démarche, révélatrice d’un changement dans la manière de
concevoir ce genre de documentaires retraçant, comme dans les monographies, le
parcours d’une vie. Ici, le genre semble simple prétexte. La caméra braque son
objectif sur le temps présent et ne fait que reprendre quelques plans des
archives pour les confronter à notre regard. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Au Caire, là où la chanteuse druze
connut le succès, avant d’arriver au studio en ruines où se produisaient ses
films, nous passons par le Nil imperturbable puis par les tags de la révolution
égyptienne. La <i>voix off</i> tire vers le passé alors que l’image ancre le
regard du spectateur dans l’Egypte actuelle. Le mélange entre les archives en
noir et blanc et les plans sur les rues d’aujourd’hui se fait de manière
avertie. Comme si, du fond de son passé, Asmahan regardait les tags : nous
voyons un plan en noir et blanc, où la diva promène son regard, raccordé aux
plans suivants représentant les tags en couleurs comme s’il s’agissait du point
de vue subjectif de la chanteuse : Orphée ne regarde plus en arrière,
c’est Eurydice qui semble poser son regard sur lui, il n’y a donc plus risques
de figement ; ce que la mise en scène et le montage esquissent ainsi sera
proféré vers la fin du film par la jeune chanteuse Dina El Wedidi qui affirme
que la révolution politique lui a fait faire sa propre révolution sur Asmahan,
qu’elle aimerait créer du nouveau à partir de son présent. En effet, nous ne
voyons à aucun moment Asmahan prendre la parole, on écoute ses mélodies mais
pas ses mots. Évanescente, sa présence-absence n’obstrue pas la voix des jeunes
chanteuses égyptiennes. Avant même de nous raconter l’histoire tragique de
l’une de ses fans, Dina ne peut s’empêcher de partir de son présent :
« Pourquoi ne puis-je plus parcourir les rues du Caire avec autant de
liberté que pouvait le faire Asmahan dans les années quarante ? » Nous
entendons cette plainte au moment où nous voyons la jeune femme marcher. Au
cours de ce travelling, sa voix ne cesse d’exprimer le malaise et l’étouffement
ressentis dans cet espace qu’elle n’arrive plus à s’approprier, là où elle se
sent étrangère chez elle. Au même moment le travelling capte le regard
malveillant d’un gosse sur la jeune chanteuse qui passe comme pour confirmer
ses propos. Comment replacer les tags du début du film, ceux qu’Asmahan
semblait regarder, par rapport à ce témoignage ? Est-ce une invitation à
constater un paradoxe, celui d’une révolution des jeunes qui n’a pas suffit à
espacer l’horizon de cette jeune chanteuse, laquelle continue à être agressée
du regard ? Révolution mentale appelée sans être dite et dont l’absence se
creuse au moment où se fait le passage à la séquence de Vienne, grâce à un
montage très significatif. C’est la voix d’une autre jeune chanteuse
égyptienne, Chirine Mohamed, fredonnant la mélodie la plus célèbre d’Asmahan,
hymne célébrant Vienne pour sa beauté, sa musique, sa liberté, qui nous mène
vers la ville européenne. Son souffle traverse d’abord les immeubles et les
rues du Caire pour ouvrir sur Vienne dans une séquence de danse en plein espace
public où des corps d’hommes et de femmes s’épanouissent sans entraves, bercés
par la musique. Voilà ce que la voix de ces jeunes égyptiennes appellerait…</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Asmahan est donc sollicitée pour
prendre conscience du décalage et non pour être célébrée. L’une des séquences
clés où l’on comprend mieux la démarche est celle du « Studio Masr »,
là où se faisaient les films dans lesquelles la chanteuse jouait. En ruines
depuis sa nationalisation, il incarne l’état du cinéma égyptien aujourd’hui
d’après ce que dit le critique<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>qui nous
fait visiter les lieux, tout en développant une réflexion sur l’importance de
cet espace public pour les Egyptiens à l’époque et sa désuétude significative
actuellement. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">A Vienne aussi, alors qu’elle est
censée être à<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>la recherche de ce que fut
l’histoire d’Asmahan, la caméra est comme détournée de son objectif initial. Ce
sont des corps et des voix présents qui prennent le dessus, comme ceux des
réfugiés. L’une des femmes dit avec beaucoup d’émotion son désaccord avec la
célèbre chanson « Layali El Ons » qui chante le bonheur intense des
nuits passées à Vienne : « Moi, je n’ai pas vécu ces nuits
inoubliables à Vienne, si Asmahan avait ressenti ce que j’ai enduré ici, elle
n’aurait pas chanté ainsi. ».<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>Encore une opposition où le présent revendique ses droits sur le passé,
où le subterfuge du documentaire classique sur une célébrité devient prétexte
et donne la parole aux corps vivants. Asmahan, dont la présence fantomatique
voudrait hanter le documentaire, libère la voix du présent. Sa présence-absence
à travers les restes du « Studio Masr » ou les ruines du casino
libanais attire l’attention sur l’être fantomatique de l’image et sur la
capacité de l’espace à faire mémoire – mais la parole est donnée aux jeunes
d’aujourd’hui avec leurs espoirs, leurs aspirations, leurs désespoirs, leurs
tentatives de vivre et de chanter la vie. C’est le parti-pris du film. Commençant
par une magnifique chanson de la diva, venant de son passé lointain, il se
termine sur la voix résonnante de Dina El Widedi. Le plan d’avant en noir et
blanc coupe brutalement pour ouvrir la voie et nous ramener vers sa silhouette.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Alors pourquoi ce détour par Asmahan
pour<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>parler des jeunes
aujourd’hui ? La chanson de la fin semble nous le dire, désir de ne plus
tourner en rond et de regarder devant soi. Asmahan au destin tragique et mystérieux,
figure brouillée, comme l’eau trouble sur laquelle insiste la caméra au moment
de raconter sa noyade - figure tragique à la voix mélancolique au sens
romantique du terme - sied au malaise de la jeunesse d’aujourd’hui marquée par
la lassitude et l’attente de l’actualisation de ce que les révolutions ont
annoncé, une jeunesse qui ne demande qu’à faire entendre sa voix au présent. Le
danger de la mélancolie qui guette semble dépassé dans la dernière séquence du
film où nous voyons la même chanteuse en mal d’être chanter avec une énergie et
une détermination martelant de tout son corps l’air de la scène, de quoi
exorciser les fantômes du passé et ne maintenir que l’art de chanter dans son
éternelle beauté. Partie à la recherche de la figure d’Asmahan, ce sont les
figures marquantes du présent que la caméra retient. Dans ce face à face entre
archives et images naissantes se fraye bien une voie vers le futur. <o:p></o:p></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"></span> </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Documentaire vu aux JCC 2014</span><a href="https://www.blogger.com/null" name="_GoBack"></a><span style="font-size: 12pt;"><o:p></o:p></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"></span> </div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"></a><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="color: black;">
</span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><span style="color: black;"> <o:p></o:p></span></span></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="color: black;">
</span></a></div>
<br />
<a href="https://www.blogger.com/null" name="_GoBack"></a><br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin: 0cm 0cm 10pt; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="font-size: 12pt;"><o:p></o:p></span></a><br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"></a><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCRf_wFfY6qOzdkPFJu0KXZzsHuTIzXLipllSv6dc9h7Dh1daN_txXarvLJmMAcTOU0vz2YCxaFWqEcuoOyacdWNvINbtZ3qzihy0u6XRDIxOM-TB2AM-HkPtiyfYS2P8In_Aw0PBDswA/s1600/cinm_film24%5B1%5D.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><span style="color: black;">
</span></a></div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
</div>
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; line-height: 115%;"></span><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; line-height: 115%;"> </span></div>
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; line-height: 115%;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
</div>
<o:p><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
</o:p></span><br />
<div style="text-align: justify;">
</div>
</div>
</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-34601035745408063342014-05-19T15:15:00.002-07:002014-05-19T15:15:29.412-07:00Le cri du silence dans L’Armée du salut de Abdallah Taia<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijRNOvabEl3x5Btj5atxmUV7Z7H64KsGYLeN1XHM_2h8RZB9yZ6Bsf-1jlrW4wAfFuq7Epcn8UU07Rdjpy7nV2_uhsegn7pgi1LXs086tWvoifZ3-I_FnBXWDQaeZwrL-dxZGUrFhSOJk/s1600/slt.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijRNOvabEl3x5Btj5atxmUV7Z7H64KsGYLeN1XHM_2h8RZB9yZ6Bsf-1jlrW4wAfFuq7Epcn8UU07Rdjpy7nV2_uhsegn7pgi1LXs086tWvoifZ3-I_FnBXWDQaeZwrL-dxZGUrFhSOJk/s1600/slt.jpg" height="180" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>L’armée du salut</i> est un premier long-métrage inspiré d’un roman
écrit par le réalisateur lui-même où se fait le procès énigmatique de toute une
société à qui il donne à la fois le rôle de victime et de bourreau. C’est
l’histoire d’une violence assourdissante qui traverse une ville, une famille,
un enfant qui subit en silence toutes sortes de violences. Silencieux, ne
sachant pas où se mettre, assoiffé de tendresse, son incapacité à crier est à
la mesure du mal ressenti, à la mesure de l’enfance brisée. Cela est reconduit
par la rareté du dialogue au sein de la première partie du film ainsi que par
l’ architecture labyrinthique dans laquelle se meut l’enfant comme écrasé par
un espace qui annihile son être et où la violence semble incrustée dans tous
les recoins tels qu’il les perçoit, violence qui peut surgir à tout moment,
menaçante et omniprésente au point d’être intégrée comme une fatalité, pas un
cri quand il se fait violer. Il se réfugie dans l’amour obsessionnel d’un grand
frère magnifié, désiré et épié dans ses moindres gestes mais auprès de qui il
ne se plaint jamais. Autour de lui une famille nombreuse où l’on ne se connait
pas vraiment et pour qui la violence est une habitude. La mère battue arrive à
crier ses maux mais Abdallah qui se fait violer subit la violence sans mot
dire, un cri ne suffirait pas. Nous le voyons arpenter les ruelles de sa ville
pour emmener le pain de la famille au four, se faire violer au passage en
silence, subir les caresses du vendeur de fruits au marché qui lui offre une
pastèque en échange, celle qu’il utilisera pour se rapprocher de son père, non
moins malheureux. Il a beau battre sa femme, nous sentons une souffrance en
sourdine qui a du mal à s’exprimer. L’ayant vu défendre le droit de jouir d’une
chanson de Abdelhalim le week-end, raillé par une femme qui semble condamner la
sensibilité du chanteur en le considérant comme trop mièvre, on s’étonne qu’il
puisse être capable d’une telle violence. Le silence pèse sur Abdallah,
personne autour n’a pu déchiffrer son poids, sa détresse acceptée comme une
fatalité au sein d’une famille trop éclatée pour pouvoir l’envisager et le
protéger. Il retrouvera un peu de réconfort dans les bras des amants choisis. Il y a un rapport fantasmé quasi
incestueux avec le frère comme pour s'empêcher de vivre un véritable amour. Il
lui fera aimer la langue française au cours d’une excursion à la mer même si le
personnage s’y refuse au départ, s’obstinant à la rejeter. Une fois adulte,
Abdallah y plongera en s’amourachant d’un homme suisse qu’il finit par quitter
pour parvenir à se libérer de tout, y compris du joug de la dépendance
amoureuse. La deuxième partie du film suivant Abdallah adulte en Suisse pour
poursuivre ses études, mais surtout pour échapper à la violence, survient vers
la fin sans trop s’attarder. Nous y décelons un regain de soi, nous y décelons
aussi la trace du passé, chanson de Abdelhalim qui revient pour plonger le
personnage dans l’inquiétude mais le regard vif, déterminé semble dire :
j’ai quitté la violence, j’emporte avec moi le Maroc, je suis marocain, je suis
homosexuel, je suis vivant. On peut reprocher au film d’être trop dans le
témoignage direct et pas assez dans le détour mais il est des violences subies
qui n’acceptent pas le détour, qui doivent être dites aussi franchement pour
sortir du mal assourdissant devenu possible car trop longtemps tu par toute une
société qui au lieu de le condamner, le dénie, mal sous-jacent qu’il faut faire
rejaillir clairement haut et fort. Le cinéma est aussi là pour témoigner.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Paru dans Le Quotidien des Rencontres Internationales des Cinémas arabes, Marseille 2014.</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-6867434210574122812014-05-18T06:33:00.004-07:002014-05-18T06:33:35.706-07:00Le parcours du souffle dans Raggs and Tatters de Ahmad Abdalla<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjX9NntpxRUl-vKQjwRHL1I-grx8h9cR7dZLiRl7tfMnjFxonPj4V46H7G40uznFQrZuFiATF9H_rlXpEXeud9kFhMhs39C3upJeMuQYr1GlypFlFPhbAl4Ayxb586G9Z_6SjwP1twapXA/s1600/farsh.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjX9NntpxRUl-vKQjwRHL1I-grx8h9cR7dZLiRl7tfMnjFxonPj4V46H7G40uznFQrZuFiATF9H_rlXpEXeud9kFhMhs39C3upJeMuQYr1GlypFlFPhbAl4Ayxb586G9Z_6SjwP1twapXA/s1600/farsh.jpg" height="180" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">« Farsh
ou Ghata » semble être à la marge des événements de la révolution de
janvier 2011, mais être à la marge n’est pas être en dehors. La force du film
réside en effet dans ce parti pris de la bonne distance et du clair-obscur. Le
cinéaste ne s’intéresse pas au centre de l’Evénement – les manifestations de
Place Tahrir dont on ne verra que la fumée perçue au loin – mais pointe sa
caméra sur divers milieux peu visibles de<span style="color: red;"> </span>la
société égyptienne : le monde des chanteurs dans les mosquées (« El
mounchidoun »), les Coptes, la cité des poubelles… <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">La
fiction part d’un fait particulier, présenté comme incompréhensible :
l’ouverture des prisons au moment où les institutions de l’Etat s’effondrent et
où le peuple, livré à lui-même, se retrouve dans une sorte d’ « état
d’exception ». Il n’est d’ailleurs pas anodin que le film prenne sa source
dans des images réelles émanant d’un portable, caméra aussi mouvementée et
nerveuse que la réalité qu’elle capte sur le vif de l’action. Cette
caméra-témoin précède celle du cinéaste. La fiction y prend origine. Ce qu’elle
nous offre par la suite est justement plus de l’ordre de la trace de l’événement que de sa lisibilité.<s><span style="color: red;"><o:p></o:p></span></s></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">L’obscurité
première d’où ne ressort que le souffle exténué de la fuite sera maintenue dans
la manière de filmer le parcours de l’évadé anonyme. Le jeune homme à qui le
portable est confié part vers la ville en promettant à son compagnon blessé de
revenir. On le suit dans ses retrouvailles quasi muettes avec la famille, une
accolade chaleureuse avec sa mère suffit, ils se parlent à peine et quand il y a
du dialogue, on n’entend rien que des chuchotements. La télé continue son discours
sur l’évolution des événements, elle n’est
couverte que par les pleurs d’un bébé comme pour suggérer un avenir naissant. La
caméra, souvent en plan général, ne prétend pas percer le mystère de ce qui se
passe. Elle est aussi ébahie que les personnages. Il y a comme un refus de la
transparence.<s><span style="color: red;"><o:p></o:p></span></s></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Que
reste-t-il quand il n’y a plus de lois ? Que reste-t-il à part des visages
sidérés, l’espace imposant son étrangeté ? Il reste la voix, le chant, la
musique, le souffle de la vie</span><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">.</span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;"> </span><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">A travers le point de vue du personnage, nous
découvrons, en son et en image, une autre Egypte. Envahi par le discours médiatique,
l’évadé ne finira par adhérer aux mouvements de l’Histoire qu’après de
multiples rencontres amicales qui l’inscrivent dans le présent, aidé en cela par
l’éveil de ses sens, d’abord dans la mosquée en écoutant la voix sublime d’un
chanteur dont le souffle incantatoire atteint en profondeur son comportement :
il commence à aider le médecin sur place, à réparer les lampes à néon de la
mosquée transformée en service d’urgence. Exclu par un membre du comité de
protection des quartiers, il fuit avec Zine du côté des cimetières<span style="color: red;"> </span>où la tradition du chant religieux est ancrée. Il y
esquisse son premier sourire, encore sous l’effet du souffle d’un chanteur, son
regard s’intensifie au moment d’un échange furtif avec une jeune fille. Ce regain
de vie le ramène à son compagnon, finalement mort. A l’occasion des obsèques,
il découvre la communauté copte et la cité des poubelles, fiction et
documentaire s’entremêlent, la voix est donnée à ceux qui, d’habitude, ont très
peu de visibilité. Au moment de remettre la vidéo aux médias, comme geste
ultime de son adhésion à la cause révolutionnaire au nom de l’engagement
individuel, cette fidélité à la mémoire d’un homme qu’il a rencontré, le pousse
au cœur de l’événement. Voyant en direct les violences dans le quartier copte, il
y retourne en courant jusqu’à l’essoufflement comme au début. Il s’y engage
jusqu’au dernier souffle, non plus le souffle de la frayeur, mais celui de l’amitié
entre Égyptiens de tout bords.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="line-height: 18.399999618530273px;">Paru dans Le Quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille 2014.</span></span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-2462092196358312032014-05-14T11:18:00.003-07:002014-05-14T11:18:53.824-07:00 Profanations dans Mille mois de Faouzi Bensaidi<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEic_TOPkoS1x_xZReHC9nCM9C-N4hPciC5xCj-BQqECJQ94BpLI3Rh5utQ4U0VXD8IXzlxG-2m7qKe4CNzEuvFO8EHbTP-VCXd2oNX-ij37yeQz_blR-3uPlrJ-zqqW7X1y-L3b2kXGmvw/s1600/mille.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEic_TOPkoS1x_xZReHC9nCM9C-N4hPciC5xCj-BQqECJQ94BpLI3Rh5utQ4U0VXD8IXzlxG-2m7qKe4CNzEuvFO8EHbTP-VCXd2oNX-ij37yeQz_blR-3uPlrJ-zqqW7X1y-L3b2kXGmvw/s1600/mille.jpg" height="188" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Revoir <i>Mille mois</i> après les révolutions arabes
et cette chaise omnipotente que Mehdi trimballe d’un endroit à un autre, lui
l’enfant d’un opposant incarcéré, fait résonner encore plus fort l’acuité de
cette mise en dérision du pouvoir qu’il soit politique ou religieux. Le film
nous plonge au sein de la société marocaine aux cours des années 80 dans un
village pauvre aux paysages arides. Le héros politique reste hors-champ pour
laisser place aux maux qui rongent les siens. Des sujets sociaux sérieux sont abordés
de manière légère, à la limite du loufoque, à travers une panoplie de points de
vue. D’autres histoires se forgent à la marge de celle de l’enfant et de sa
famille : celle de Malika, adolescente révoltée qui ne cache pas sa volonté
de transgression, celle du fou du village enragé de terre et d’eau, celle de
Saadiya qui choisit l’argent au détriment de l’amour, celle des prostituées... Les
situations dramatiques tournent au caricatural : des visages aux aguets au
sommet d’une montagne, pour découvrir qu’ils ne guettent que le début du mois
de Ramadan ; une poule qui s’obstine à déranger le grand-père au moment de
sa prière, la Nuit Sacrée qui tourne au chaos… On retrouve en germe le côté
disjoncté de <i>What a wonderful world</i>
ainsi que l’humour des personnages tragiques de <i>Mort à vendre</i>. On rit beaucoup mais il y a aussi des moments où
l’on observe sérieusement, sans pathos, telle la séquence de la prison où la
mère demande à être traitée en citoyenne, ce qui lui vaut une arrestation dont
on ne verra rien, ellipse de l’agression qui nous fait imaginer le pire. Respiration,
le plan suivant offre un paysage à contempler. En effet, le mélange de tons,
marque des films de Bensaidi, permet ici d’aborder des questions cruciales sans
tomber dans le pamphlet social. Le politique passe subtilement dans l’intention
bien affichée de détourner le sacré de sa fonction première et de désamorcer le
potentiel de sérieux qui le fonde. Le regard, bien que noir, décrivant des individus
sous le joug de la pauvreté et de l’injustice, laisse passer des petites
revanches qui augurent d’une remise en question du pouvoir comme la petite
vengeance des élèves plaçant un clou sur la chaise de l’instituteur qu’ils ne
sacralisent guère malgré le précepte religieux répété avant chaque cours :
« Et l’instituteur faillit devenir prophète ». L’épisode se retourne
contre eux et enlise Mehdi dans le rôle de bourreau malgré lui. Cette
oscillation d’une revanche qui finit par être rattrapée par des schèmes de pouvoir
trop ancrés pour être capable de s’en libérer facilement se répète dans
d’autres situations. Nous la retrouvons dans les ruses qui tentent de défier une société machiste : Saadiya, analphabète,
à qui l’enfant lit les lettres d’amour envoyées par son instituteur, arrive à
avoir des rendez-vous nocturnes avec un autre amant sur la terrasse de la
maison familiale. Petite revanche sur l’oppression de l’individu par les codes sociaux
vite abandonnée en choisissant d’épouser un riche représentant du pouvoir dont
le portrait nous rappelle allègrement les personnages décalés de Kusturika. Ces personnages « humains trop
humains » ne sont pas doux les uns avec les autres, mais nous arrivons à
les aimer. Le regard du cinéaste émeut par une perspicacité qui reste toujours
tendre. Le point de vue est certes désabusé, néanmoins ces esquisses
individuelles d’un désir qui finit toujours par être rattrapé par le social disent
bien un socle lézardé. Les chaises qui ont servi au mariage finissent par brûler,
plans jubilatoires, sans doute fantasmagoriques, mais surtout pouvoir du cinéma
de Bensaidi où les instances oppressantes sont pointées sans héroïsme grâce à
la magie d’une signature cinématographique aigre-douce.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Paru dans Le Quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille 2014.</span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-2457525821392498582014-05-13T15:59:00.001-07:002014-05-13T15:59:08.806-07:00Light horizon, un peu de bruits pour la vie<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilALM6baWldBBktlQ2gHNZBh1hFRyW8ORrxjf7ZgcUTfobk1492akpJh1VEibKpAwjwwgm1og8dfjxF5YIooCoj2caCjpuE4__h_BkTNsHqR_4sJDAD43PNsXRBz50wZR3QnRNl0O7pGE/s1600/horizon.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilALM6baWldBBktlQ2gHNZBh1hFRyW8ORrxjf7ZgcUTfobk1492akpJh1VEibKpAwjwwgm1og8dfjxF5YIooCoj2caCjpuE4__h_BkTNsHqR_4sJDAD43PNsXRBz50wZR3QnRNl0O7pGE/s1600/horizon.jpg" height="179" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Un
film, un plan, <i>light horizon</i> réussit à capter notre attention, plus, à nous
emporter dans son univers et à nous émouvoir en moins de huit minutes. Un film
très sobre, une seule prise de vue qui nous renvoie à l’origine du cinéma, cinéma quasi muet,
d’autant plus expressif et poétique qu’il
est exempt de mots. Néanmoins la touche moderne du bruitage y introduit, intact,
le « bruissement » du monde :
eau, sifflement du vent, gazouillement, ainsi que le bruit d’un balai primordial que l’on entend
avant l’avènement du plan, rumeurs de la nature et rumeurs de l’Homme s’entremêlent dans le mouvement des rideaux
exposés aux vents… <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Comme
le plan est fixe, c’est le regard du spectateur qui est en mouvement. Le regard
ne peut s’empêcher d’inspecter le champ à la loupe. Des murs troués de balles, gravés
de prénoms, messages d'amour et de haine, traces du passé venant se superposer
à l’instant présent offert. De ce voyage dans le temps (ici, pas besoin de
travelling), on se repose en regardant au loin l'horizon de la « fenêtre-tableau »,
et puis retour du regard vers cette femme qui essaie d'assainir et d'embellir
cet espace en ruines.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Une femme tout habillée de noir, comme
endeuillée, s’acharne à frotter le sol, pour rendre l’endroit plus habitable.
Elle le fait pendant six minutes, la durée
du plan se fait sentir, son épaisseur aussi. Une fois le sol lavé, elle
installe une belle table couverte de blanc, une petite fontaine, une
chaise ; des gestes simples. Elle ouvre les rideaux blancs de la fenêtre
qui laisse entrevoir l’horizon comme par intermittence, qui font sa silhouette
être, disparaitre, être \ disparaître… dans et hors champs. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La chambre en ruine évolue
progressivement vers la vie, littéralement entrevue à travers le flottement,
l’entrebâillement des rideaux blancs libérés par la femme en noir, oui, la
résistance de la vie est</span><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 150%;"> </span><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">à la mesure de
l’acharnement avec lequel le sol est frotté</span><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 14.0pt; line-height: 150%;">,</span><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">
à la mesure de ce geste quotidien. De
tout cela se dégage un sentiment de vie qui subsiste, que rien n’évince. Capté par une poésie singulière, par une
dimension ontologique, le spectateur ne s’en détachera pas vers la fin, après
l’ancrage de ce lieu dans la cartographie du monde.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Tous
les ingrédients du cinéma sont là : cadrage, surcadrage, ombre et lumière,
profondeur de l’image, l’écran, les écrans, la femme en spectatrice de l’horizon,
matérialisent sous nos regards, très subtilement, sans trop de bruits, l’universel
hymne à la vie, celle qui finit toujours par émerger des ruines comme cet <i>Horizon léger</i> qui s’impose au
spectateur. Vous n’en finirez jamais avec l’épaisseur de ce plan, de ce film de
Randa Maddah ! <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Paru dans Le Quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille 2014.</span></div>
<br />
<div class="MsoNoSpacing" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-48159204273275085232014-05-12T11:42:00.001-07:002014-05-12T11:42:29.362-07:00L’insularité des êtres dans The last Friday de Yahya Al Abdallah<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOuWr9yNtCSz7vMqmjixxwv_IXH-MbG50Q3JWnoVJOs8Cvh9OzIhA7fxtfFnGOFATu-KgznanMv1m76vvOFDXSvxi7okJZ3-X6XuaS5si9LIYJIJyetWQye7NPHwoV-JaRVpd0-fZgihU/s1600/The-last-friday-448x298.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOuWr9yNtCSz7vMqmjixxwv_IXH-MbG50Q3JWnoVJOs8Cvh9OzIhA7fxtfFnGOFATu-KgznanMv1m76vvOFDXSvxi7okJZ3-X6XuaS5si9LIYJIJyetWQye7NPHwoV-JaRVpd0-fZgihU/s1600/The-last-friday-448x298.jpg" height="212" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">The
last Friday</span></i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> configure le défaut d’être ensemble, la
difficulté de trouver un langage commun qui puisse lier les hommes. Le film
s’ouvre sur un personnage qui constate la coupure du courant électrique. Il
touche sa plaque chauffante mais ne ressent rien, appuie sur l’interrupteur en
vain. Ce courant qui ne passe plus encode l’univers du film, fait
essentiellement de déconnexions entre les êtres, de ruptures entre les hommes
et leur espace. Avant le générique, un plan introductif nous montre un
personnage dans un lieu isolé. Sa position dans le cadre en dit long sur son
rapport au monde : complètement décentré, rejeté dans un coin, écrasé par
un espace dont on sent le côté pesant à la durée du plan fixe. Nous comprenons
plus tard qu’il s’agit de Youssef, personnage principal du film ayant perdu sa
fortune et sa famille à cause du jeu et s’apprêtant à se faire opérer après
avoir trouvé difficilement l’argent qu’il faut. Nous le voyons ainsi errer
entre son patron, ses amis et enfin son ex-femme avec laquelle il a un fils qui,
lui aussi, a du mal à dire son désarroi. Les faits se passent en Jordanie dans
la ville d’Amman : un espace qui semble hostile ou du moins trop étrange
pour que les personnages puissent y adhérer. Les plans de Youssef sur la
terrasse sont sans profondeur de champ, derrière lui s’étend toute la ville mais
il parait comme collé à cette image, comme rajouté au décor sans en faire
partie. L’image plate semble rejeter ou expulser l’homme de son fond.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">D’abord une crise de
communiquer entre les hommes, même les plus proches : Youssef et son fils,
Youssef et son ex-femme, Youssef et son patron Jaber qui a également du mal à
communiquer avec sa future fiancée. Celle-ci préfère les échanges par SMS,
que ce soit avec lui ou avec son père qu’elle refuse d’ajouter sur Facebook. Sa
mère enfonce le clou en lui disant qu’il ne faut jamais dire « je
t’aime » à un homme. En effet, le film est parsemé de couples qui se
défont ou qui ont du mal à se faire. Les querelles amoureuses n’ont pas lieu
face à face mais à coups de texto, les ruptures aussi se font à distance dans
un taxi par exemple, sous le regard voyeur de Youssef emmenant une voisine avec
laquelle il finira par avoir une aventure fade. Même les rencontres éphémères
perdent de leur charme. Le lendemain de leur nuit passée ensemble, demeurant
significativement hors champ, Youssef préfère recourir à un porno qu’il
interrompt au moment de l’appel à la prière. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> Seuls le bruit arbitraire du monde (sons d’un
avion, des voitures, de la rue…), le discours télévisé ou l’appel à la prière
meublent la bande son lors des premiers plans où la caméra ne bouge pas, installant
le spectateur dans une durée monotone qui l’oblige à faire attention aux
moindres détails. Le bruit de la ville est contaminé par celui des medias qu’on
entend parasiter la vie : dans l’immeuble où vit Youssef, chez l’épicier,
dans le taxi, dans l’appartement au moment où père et fils s’apprêtent à dîner...
Nous entendons partout la voix d’El Jazira sans voir les images, peu
importe, son effet hypnotique est là. Néanmoins,
au début, le personnage étant seul, l’absence de parole n’est pas reçue comme
une bizarrerie. Le silence du personnage est plus éloquent que la pseudo-communication
par SMS où le corps et la voix de l’autre restent hors champ, hors portée de
soi. <i>SMS</i> est d’ailleurs le titre de
l’un des court-métrages du cinéaste où il décrit l’invasion de l’intime par ces
nouvelles technologies réifiant nos liens les plus personnels y compris ceux de
la communion amoureuse. SMS, Facebook, téléphone, chaines télévisés, que de
moyens technologiques perfectionnés au détriment d’un véritable échange. Imed,
fils de Youssef ne sait même pas lire. Ses bégaiements sont ceux de tous les
personnages pour qui l’autre et le monde présentent un problème de lisibilité. L’angoisse
du vide est bien exprimée par la domination du bruit inarticulé du monde.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> Par ailleurs, le choix du vendredi, jour censé
réunir la communauté musulmane, n’est pas anodin. <i>The last Friday</i> sonne comme l’aveu d’un hiatus empêchant le partage
du commun qui pourrait trouver ses origines dans la faille du politique. Ceci
nous est suggéré par une séquence clé, celle de l’hôpital où Youssef doit se
faire opérer : le discours de Moubarak tentant de convaincre les jeunes de
sa souveraineté incrimine des instances étrangères voulant semer le chaos. Déni
de la crise de l’autorité interrompu net par le geste de Youssef qui éteint la
télé.<o:p></o:p></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Les moyens cinématographiques
pour dire cette crise du sens et du partage sont : bruitage, corps jetés
dans l’espace, pénurie en vrais dialogues on ne peut plus expressive de la
solitude profonde de l’homme du 21<sup>ème</sup> siècle qui, à part se débattre
dans les mots idéologisés, ne sait plus établir de liens authentiques. Une
belle leçon de cinéma qui pointe le mal du siècle : des mots et des images
vides et un désir de partage de moins en moins pourchassé. Le dernier plan fait
écho au tout premier, nous voyons Youssef après l’opération se promener entre des
tombes ou des ruines dans ce même paysage du début ; dernière séquence où
on ne peut s’empêcher de nous demander si c’est lui en chair et en os ou bien
son fantôme. Morts ou vifs ? Question centrale que pose le film sur tous
ses personnages.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Paru, en version courte, dans le quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille, 2013.</span></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-37509835014838420112014-05-11T05:56:00.002-07:002014-05-11T05:56:44.369-07:00La part obscure de la transmission dans La carapace de mon père de Pary El Kalkali<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0pgThSZB7vzX4MC0BQI3zKej3gF9b-9mygDh0jS0kR3Ct0fZt5v8CgjrR0czLvfpdFYIrz9qRZw0nYAv289T199Fi0wY4f36MRsPkY9Oz6M1uVj8P5-ZjVgpe67HB7dIsvd4YhkCISAo/s1600/pary.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0pgThSZB7vzX4MC0BQI3zKej3gF9b-9mygDh0jS0kR3Ct0fZt5v8CgjrR0czLvfpdFYIrz9qRZw0nYAv289T199Fi0wY4f36MRsPkY9Oz6M1uVj8P5-ZjVgpe67HB7dIsvd4YhkCISAo/s1600/pary.jpg" height="192" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><br /></td></tr>
</tbody></table>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
Le film s’ouvre sur une avalanche de questions en voix off : que fait-on des histoires qu’on nous raconte ? Comment les recevons-nous ? Qu’en gardons-nous… D’autres interrogations semblent comme répondre à celles-ci mais dans un face à face entre père et fille : laquelle de mes histoires dois-je raconter ? Celle de l’homme, celle de l’étudiant, celle du réfugié palestinien… ? Sur un ton à la limite de la colère, le père donne l’impression qu’on est en train de lui soutirer son histoire, celle qui a le plus compté, celle dans laquelle il est difficile de replonger. Quand la narratrice (sa fille) avait douze ans, il décide de quitter sa vie à Berlin pour s’installer en Palestine, à Kalkilia, son village natal.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
Curieux le lieu où commence cette discussion qui frôle la dispute. Il s’agit du sous-sol d’une maison familiale, là où Moussa, le père, décide de s’installer après un retour contraint à Berlin. Le coin d’une chambre à peine éclairée par une ampoule, lumière tamisée, les deux personnages finissent par s’y asseoir à même le sol pour que le récit s’engage avec plus ou moins de tensions. La lumière, le dépouillement de l’espace, l’insistance de Pary à avoir des réponses nous font penser au contexte de l’interrogatoire. Le père se sent comme harcelé, mais finit par adhérer à la requête de sa fille. Par moments, l’intensité de l’échange est telle que les deux corps, dans le même plan, atteignent une harmonie maximale et là, bien qu’ils se chamaillent, nous sommes plus dans l’espace intime de confidences douloureuses où circulent beaucoup d’amour et de culpabilité. La lumière où baignent ces plans ne permet pas vraiment de lire les visages comme pour suggérer que dans la transmission d’une telle histoire, on ne peut saisir que du clair-obscur. Seule une part infime peut passer, c’est sans doute la raison pour laquelle Moussa vit cette demande de restitution comme quelque chose de difficile. Raconter c’est réduire, surtout quand le vécu est aussi complexe.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
A partir de là, le montage du film devient primordial dans la quête du sens dont il est porteur. En effet, les plans de cet espace bien particulier de la chambre du sous-sol sont éparpillés ici et là tout au long du film. Une telle histoire ne peut se raconter dans la linéarité. L’anachronie est de mise et pas n’importe laquelle, une anachronie qui ne comble pas tous les trous du récit comme pour dire qu’ il y a toujours un reste quand il s’agit de Palestine ; pas de discours larmoyant, une distance, figurée entre autres, par une séquence marquante où l’on voit des enfants jouer dans des balançoires en chantant La Palestine, la souffrance, la déportation avec détachement, comme d’autres enfants chanteraient une cantine,juste pour le plaisir de chanter ensemble.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
Le décalage entre les séquences du récit fragmenté, les plans et la narration en voix off perdent le spectateur mais c’est ainsi qu’est restituée la complexité de l’histoire. Tout le film est fait de sorte à ce que le brouillage et la part d’ombre soient en avant de ce qu’il y a à dire. Le film vacille entre plusieurs espace-temps enchevêtrés. Tout à la fois documentaire et fiction, il est construit de manière à susciter le vertige dès lors qu’on tente de s’y retrouver. D’ abord, l’espace-temps du sous-sol avant le voyage où la réalisatrice est narratrice en voix off en langue allemande ; puis le temps du voyage avec le père vers Kalkilia où l’on passe à l’Arabe : Pary El Kalkaly, passant par l’Egypte, voyageant vers son nom, vers son histoire et celle de la ville palestinienne d’où vient son père. Le troisième espace-temps est difficile à localiser : Moussa déambulant dans Berlin, sans doute après leur retour de Kalkilia ou peut-être avant leur face à face. Une partie du puzzle est toujours manquante pour que les morceaux de l’histoire résistent à une quelconque imbrication inévitablement réductrice. En cela Pary, la réalisatrice, a déjoué la peur légitime du père suscitée par l’angoisse de réduire son histoire et celle de tout un peuple au dire. Les images se succèdent bravant la linéarité du récit.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
Reste le plus important des espaces-temps - le plus important, du moins pour le père - le temps qui manque : celui tranchant, de son retour à Kalkilia abandonnant famille, travail, toute une vie à Berlin pour ne plus se sentir simple visiteur dans son propre pays, pour affirmer sa citoyenneté de Palestinien à part entière, puis son expulsion qui l’oblige au retour à Berlin quelques mois après. Dans ce temps du hors-champ, temps du rêve tout aussi bien que de la césure, s’intègre également celui de son enfance et de l’arrachement de chez soi, temps relativement restitué par son témoignage ainsi que celui des membres de sa famille en Egypte sans être montré. Le temps du champ (Berlin, le voyage vers Kalkilia…) et le temps du hors-champ (l’arrachement de Kalkilia et le retour lors de ces quelques mois) se rejoignent à travers des résonances qui finissent par tisser des liens au milieu de la discordance ambiante, tel le cas du mur de Kalkilia qui fait écho au mur de Berlin et qui lie, dans l’universel, les deux vies de Moussa apparemment séparées.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
Le plan de la fin, qui a été aussi l’un des tous premiers plans du film, condense bien l’histoire sans fin qu’on nous raconte dans <i>La Carapace de mon père </i>: la maison de Berlin, filmée de l’extérieur, le soir ; image marquante d’une demeure sans murs, sans édifices, juste quelques ouvertures, lumière dorée se dégageant de la fenêtre du dessus, porte et fenêtre d’en bas à peine éclairées, contrastées en noir et blanc. On sort du film avec cette image faite de lumières et de zones d’ombres reprenant ainsi l’histoire d’une transmission difficile dont Pay El Kalkaly fait un film bouleversant de profondeur.</div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
<br /></div>
<div style="background-color: white; color: #333333; font-family: 'Helvetica Neue', Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; line-height: 20px;">
film vu en 2013 dans le cadre des Rencontres internationales des cinémas arabes à Marseille.</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-64427220124974523282014-05-10T01:25:00.001-07:002014-05-10T01:33:10.156-07:00Résistance du vivant dans Haneen de Ossama Bawardi<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEioAgl4dymTcbILwep-IKG7DeHBOb08SeJ40hM8cwcHUjCuSVd0bEepHp9_Y1eTePPHHaFLtCv_9NSav4_P8BfkNH61T2kURmILt3w1WoneEAfDpFurTw0VFbxUd7IlO69qDIjMKKpTW6A/s1600/b.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEioAgl4dymTcbILwep-IKG7DeHBOb08SeJ40hM8cwcHUjCuSVd0bEepHp9_Y1eTePPHHaFLtCv_9NSav4_P8BfkNH61T2kURmILt3w1WoneEAfDpFurTw0VFbxUd7IlO69qDIjMKKpTW6A/s1600/b.jpg" height="180" width="320" /></a></div>
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Dans
<i>Haneen</i>, si nostalgie il y a, ce n’est
guère celle qui fige. Ce film<i> </i>quasi
muet, peut se voir comme la flamme du vivant qui se bat de toutes ses forces
contre l’extinction ou la récupération. On y a l’impression que Ossama Bawardi
réinvente le sens du mot « Haneen », devenu lueurs intenses de vie et
non plus fixation sur des événements
passés. Nous sommes face à une nostalgie, non pas tournée vers le passé
mais paradoxalement orientée vers l’avenir, une nostalgie qui appelle le
vivant, se confondant avec l’attente d’une éclosion de l’instant présent. Cette
ouverture sur l’ « à venir » est majestueusement incarnée par le
personnage principal : une femme aux aguets, d’un certain âge, très seule, au
visage très habité, visage qui vous arrache le regard : à la fois rude et
généreux mais jamais aride même lorsqu’il est pris de mélancolie. Une femme
s’accrochant à la vie : cela est perceptible à travers des gestes comme se
maquiller, écouter de la musique ou danser et se confirmera par le geste majeur
du film : arracher le numéro imposé à sa demeure. Les autres personnages
principaux tout aussi muets ou presque sont un enfant qui vole des oranges dans
le jardin de cette même femme, une boîte aux lettres et notamment un
numéro : le « 54 ». <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Le
film nous plonge dans un univers où les sens sont fortement sollicités :
une musique très expressive, des couleurs chaudes, un côté plastique indéniable
sans tomber dans une tendance esthétisante gratuite qui ne serait que pur
décor. En effet, l’espace dans lequel évolue la femme est le lieu d’une
tension : d’un côté les photographies
d’un mari et d’un fils absents, encadrés et déposés un peu
partout ; de l’autre une atmosphère, un climat, qui laisse la part belle à
la vie et à la beauté. D’emblée, le décor attire l’attention, une chaleur du
foyer se fait pressentir où plantes, couleurs, broderies, objets de décorations
suscitent des émotions et nous attirent nettement plus vers l’intensité du
moment présent que vers la présence mortifère de l’absent, incarnée par toutes
ces photos - qui elles-mêmes, par
moments, se défigent dans de longs travelling accompagnés d’une musique
éminemment sensorielle. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Ainsi
perçu, le décor peut être considéré à son tour comme un personnage et joue son
rôle dans l’histoire qui nous est racontée. Il est en soi agir. Alors que
raconte <i>Haneen</i> à travers tous
ses ingrédients? L’histoire d’une femme qui au réveil attend une lettre. Nous
la voyons sortir, retirer la clé intimement cachée dans son sein, ouvrir sa
boîte aux lettres qui s’avère vide. Puis se dirigeant vers la façade de sa
maison, elle grimpe sur une chaise et arrache scrupuleusement le numéro qu’on
vient d’installer sur son mur. Accomplissant cet acte une première fois, elle
ne fait que se blesser. Nous la voyons nettoyer et panser sa blessure avant de
se rendre compte de la présence d’un enfant tentant de cueillir une orange. Les
traits de l’exaspération sur son visage se métamorphosent alors en sourire
éblouissant.<span style="color: red;"> </span>La première fois où elle pose son
regard sur l’enfant sans qu’il ne s’en rende compte est un moment
cinématographique à part, il se passe quelque chose qui dépasse tous les mots
dans ce sourire qui éclaire son visage, assombri au préalable sans doute par la
crainte du retour du poseur de numéros. Le plan subjectif où elle le perçoit
sur l’oranger en rappelle un autre, celui qui ouvre <i>La Porte du soleil </i>de
Yousri Nasrallah. On ne peut s’empêcher de penser à ce rameau d’oranger emporté
dans le camp des réfugiés et à la voix d’une autre dame au visage tout aussi
expressif qui en fait la métonymie de la Palestine : « ceci n’est pas
à manger, c’est la Palestine ». <span style="color: red;"><o:p></o:p></span></span></div>
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Le lendemain, le numéro réinstallé une deuxième
fois, nous voyons le personnage répéter les mêmes gestes, sortir, inspecter la
boîte aux lettres toujours vide et puis avec le même élan s’acharner contre ce
numéro. Elle tombe de sa chaise sous les yeux de l’enfant. Nous ne voyons pas
son visage mais son orange tomber et parcourir le sang de sa bienfaitrice,
deuxième don, celui de son sang, comme dernière manifestation de vie laissée en
héritage à l’enfant. Le dernier mot du film est à la vie, à l’avenir.
L’intensité du désir de vivre est aussi dans cette flaque de sang contemplée
par un enfant que nous voyons de dos face à la maison dans le dernier plan du
film. L’acharnement à refuser la réduction de son foyer à un numéro devient
acte de résistance, une réaffirmation du droit de la vie sur la mort, un refus
d’être quadrillée, contrôlée, réduite à une adresse.</span><br />
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Paru dans le quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes, Marseille, 2013.</span>Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-65366124285855274662014-05-10T01:07:00.001-07:002014-05-10T01:07:24.687-07:00L’aventure des corps à travers l’espace dans Round trip de Meyar al Roumi<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> </span></b><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;"> </span></b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<b><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiP3JBBRkXP7mjhClp7aLadLJ2K3tK-cWN55E4oV7ViJfR08oP4YsE7ZU1ywrKum5iI0cwW17RgugmvUayQ-SCLa4rhJK_EXvVxZ5hWbb-Dt89SaV3lio1Tcb-0CodVbxBtbIK5aKDhi5c/s1600/michouar.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiP3JBBRkXP7mjhClp7aLadLJ2K3tK-cWN55E4oV7ViJfR08oP4YsE7ZU1ywrKum5iI0cwW17RgugmvUayQ-SCLa4rhJK_EXvVxZ5hWbb-Dt89SaV3lio1Tcb-0CodVbxBtbIK5aKDhi5c/s1600/michouar.jpg" height="179" width="320" /></a></b></div>
<span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%; text-indent: 35.4pt;">Deux
jeunes amoureux à Damas n’en peuvent plus de se cacher pour vivre leurs
étreintes. Ce n’est pas l’homme (Walid) mais la jeune femme (Souhair), plus
entreprenante, qui propose un voyage afin qu’ils se retrouvent librement dans
l’appartement d’une amie. La destination : Téhéran. Oui vous avez bien
entendu, Téhéran, l’une des nombreuses attentes déjouées du spectateur. </span><i style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%; text-indent: 35.4pt;">Round trip </i><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%; text-indent: 35.4pt;">est ce voyage fascinant où
l’on est emporté aussi bien par les paysages magiques entre Damas et Téhéran que
par les visages du couple s’offrant aux grés des mouvements de leurs émotions. Astucieux
« petit voyage » : « michouar » en arabe évoque un </span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%; text-indent: 35.4pt;"> </span><span style="font-family: 'Times New Roman', serif; font-size: 12pt; line-height: 115%; text-indent: 35.4pt;">laps de temps plutôt court. Alors que la durée
du film, faite de travellings sur les « paysages-tableaux » du
parcours, ouvre le temps de la contemplation et va ainsi à l’encontre du titre,
sans doute pour marquer l’impact profond de cette traversée. La fréquence des
travellings rappelle l’origine de cette invention, fruit d’un simple hasard
dans l’histoire du cinéma puisque due à une prise de vue à partir d’une
embarcation. Consistant en une caméra qui fait corps avec l’outil de transport,
cette technique acquiert ici tout son sens.</span><br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">C’est
un couple, surtout une jeune femme qui fait sa propre révolution en traversant
des paysages d’une éblouissante beauté, en passant par des villes plus ou moins
conservatrices. Leur voyage est d’autant plus captivant qu’il aborde les
possibilités et les impossibilités de jouir de son propre corps selon les lieux
de passage, ce qu’exige la loi face à ce qu’exige l’élan des cœurs et des corps.
Vu de l’extérieur, le politique et le communautaire semblent avoir des droits
sur ce qu’il y a de plus intime. Mais la virtuosité du film est de nous mener à
constater la liberté des épanchements, jamais contrariée par la loi. Une
séquence clé : l’ardeur de la femme est freinée au retour, mue non pas par
une quelconque police du dehors mais par la métamorphose de son regard envers
l’autre. L’évolution du couple amoureux se lit en effet à travers les corps qui
se font, se défont, s’attirent ou s’éloignent ; le corps devenu dans le
film un langage à part entière initiant le spectateur aux soubresauts fragiles
et souvent indétectables des âmes. Langage des corps à contre-courant du
langage de la loi, une belle expression de la manière de se préserver du
pouvoir même dans les situations les plus intimes. La proximité des corps ne
suffit plus, collée à l’homme au moment des ébats amoureux du retour, Souhair
semble pourtant déjà bien loin.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Néanmoins,
nuance : dans le film de Meyar al Roumi, le train, le ferry, ne sont pas
des lieux de passage au sens initiatique du terme. L’esquisse de la transfiguration
était là, bien avant leur départ. Dans l’un des premiers plans, les personnages
rejouent la scène de leur rencontre dans le même taxi, devenu lieu de leur
intimité. Un besoin de vivre plus amplement leur amour les mène au-delà des
frontières géographiques mais l’étincelle précède le voyage. Leur idylle les transportera,
non par hasard, vers des frontières de l’humain amoureux rarement aussi bien rendues
dans ce qu’elles ont de plus ambigües. Autrement dit, le transport, l’élan, le
mouvement préexistent au voyage vers Téhéran, celui-ci n’a fait que les dévoiler,
n’est-ce pas l’une des ambitions du
cinéma que de jouer avec les liens entre visible et invisible ? Transposée
sur la révolution, ce langage cinématographique semble avoir la même
conviction : l’acte de Bouazizi, première flamme de la révolution tunisienne
à laquelle une référence subtile est faite au moment où Souhair a convenu de
partir, n’est que la manifestation d’une métamorphose mentale et sociale qui
couve depuis un temps et qui continuera à s’actualiser.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-24212079609123284242014-05-09T10:32:00.000-07:002014-05-09T10:32:01.689-07:00Le retour du refoulé dans Derrière moi les Oliviers de Pascal Abou Jamra<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFPuWQDkRO5A5hIcUvtFa_9NfHWhOftLc03HDBHeUOlkDZ3mPJecAoBJTPYowE2Id-PhMLA7QPIrH6INTHPB7VCb7GQqBZOmFpyb6JfZsoXldb0uBsEdznAVqlup2FfaCVFttO8pV3Ka8/s1600/Derriere-moi-les-oliviers.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFPuWQDkRO5A5hIcUvtFa_9NfHWhOftLc03HDBHeUOlkDZ3mPJecAoBJTPYowE2Id-PhMLA7QPIrH6INTHPB7VCb7GQqBZOmFpyb6JfZsoXldb0uBsEdznAVqlup2FfaCVFttO8pV3Ka8/s1600/Derriere-moi-les-oliviers.jpg" height="256" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
Dans
<i>Derrière moi les oliviers</i>, un sujet
tabou par excellence est abordé avec beaucoup de simplicité et de
profondeur : la collaboration de l’Armée du
Liban Sud avec Israël. Un film courageux que
la jeune cinéaste libanaise Pascale Abou Jamra tourne presque en famille. La
question n’est pas abordée de manière frontale ; pas de discours mais des situations où le
poids du passé se fait sentir à travers le vécu d’une jeune fille à peine
sortie de l’adolescence et de son petit frère qui reviennent au Liban après dix
ans d’absence passés dans le camp ennemi. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
La
question de l’héritage, du legs, de la
transmission de la culpabilité est posée sans pathos. On peut penser aux
enfants de la collaboration algérienne ou aux premières générations allemandes
qui ont hérité du nazisme ; le tabou et
la culpabilité sont aussi forts aujourd’hui pour le monde arabe quand il s’agit
d’Israël. La trahison des parents pourchassent les enfants. Leur réintégration – impossible, si on s’en tient
au scénario dans sa linéarité – est pour le moins revendiquée intelligemment et
avec une pudeur touchante. En effet, il
y a quelque chose d’universel qui traverse en filigrane le film : d’abord l’âne, exsangue,
qui devient personnage à part entière, ensuite ces magnifiques plans fixes sur
le lever et le coucher du soleil (le traitement de la lumière est à lui seul
une aventure), ou encore ce gros plan sur le visage de la grand-mère, creusé de
rides…D’autre part, et de manière peut-être un peu plus explicite, il y a Babel
et les langues dispersées : Mariem qui raconte son histoire en voix off le
fait en arabe et en hébreu (alors que, terrassée par le non-dit et le poids de
la honte qu’on lui renvoie, on l’entend très rarement prendre la parole) et puis bien sûr la voix de Piaf qui chante
l’amour au moment où des Français viennent acheter à manger. Nous sommes tous
les enfants de la terre et l’erreur – devrions-nous dire l’horreur – est
universelle. Si la culpabilité doit circuler d’une génération à une autre, qu’elle
soit alors assumée par tous les hommes. Car en remontant à l’origine des
origines, ce serait à l’esp<b>è</b>ce humaine, indépendamment de toute
appartenance, qu’il faudrait demander des comptes, ou bien peut-être à l’olivier,
arbre ancestral dans cette région et symbole d’une paix qui demeure
impossible.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-justify: inter-ideograph;">
<a href="https://www.blogger.com/null" name="_GoBack"></a><o:p> Paru dans le quotidien des Rencontres internationales des cinémas arabes<span style="color: #333333; font-family: Helvetica Neue, Helvetica, Arial, sans-serif;"><span style="background-color: white; font-size: 14px; line-height: 20px;">, Marseille, mai 2013.</span></span></o:p></div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-29415907614888465402014-05-09T08:51:00.001-07:002014-05-09T08:51:17.234-07:00Spectres et émergence de l’individu dans Winou baba de Jilani Essaadi<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjgu65733-CNrEdPsOmVy2bNMSzUAAn6cLu9JrD_C2_-xgVJwXFrs0R6CxAb_si_STySuZwWcenplCklZqhyc1KLUeEGTGGpMebA0_yVL4te9nCxI5yCTBZRDtlOv-x2jI2mQZgNgc78Vk/s1600/winou.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjgu65733-CNrEdPsOmVy2bNMSzUAAn6cLu9JrD_C2_-xgVJwXFrs0R6CxAb_si_STySuZwWcenplCklZqhyc1KLUeEGTGGpMebA0_yVL4te9nCxI5yCTBZRDtlOv-x2jI2mQZgNgc78Vk/s1600/winou.jpg" height="212" width="320" /></a></div>
<br />
<div class="section" id="text" style="background-color: white; background-image: url(http://trans.revues.org/images/bg-section-shadow.png); background-position: 0% 100%; background-repeat: repeat no-repeat; clear: left; color: #333333; font-family: Verdana, sans-serif; font-size: 12px; line-height: 18px; margin: 3em -14em 3em -6em; overflow: hidden; padding: 0px 14em 5em 6em; position: relative;">
<div class="text wResizable medium" style="clear: both; font-size: 1em; line-height: 1.5; margin: 3em 0px 0px; padding: 0px; text-align: justify;">
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
Il en est de la « révolution tunisienne » comme de la naissance de l’individu dans le cinéma indépendant<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn1" id="bodyftn1" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">1</a> de Jilani Essaadi. Tous deux ont du mal à accomplir leur mise au monde, à dépasser le stade de la gestation. Enlisés dans l’aspect inchoatif, ils peinent à s’élancer, à s’affirmer, à advenir réellement. Par moments, c’est même la chute libre, à l’image de celle qui surgit pour devenir un leitmotiv dans le dernier film du réalisateur : <em style="font-weight: inherit;">Winou baba ? .</em> Ces plongées qui suivent la précipitation des personnages dans le vide sont-elles une figuration du vertige, précipice social tout autant que tremblement des assises ? Lors de ces séquences qui ponctuent le film par leur retour à des moments de crise, les visages sont déformés par la pression atmosphérique et l’émotion semble la même pour tous. Est-ce le visage de ceux qui sont bloqués entre deux mondes, à la fois « momie »<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn2" id="bodyftn2" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">2</a>et « fœtus »<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn3" id="bodyftn3" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">3</a> comme dirait Musset parlant justement du moment paradoxal post-révolutionnaire à la fois « ruines »<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn4" id="bodyftn4" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">4</a> et « semence »<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn5" id="bodyftn5" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">5</a> ?</div>
</div>
<h1 class="texte" style="font-family: Georgia, serif; font-size: 2.166em; font-weight: normal; line-height: 1.2; margin: 0.923em 0px 0.461em; padding: 0px; text-align: left;">
<a href="http://trans.revues.org/796#tocfrom1n1" id="tocto1n1" style="color: #c05028; text-decoration: none;">Enlisement et désir d’affranchissement</a></h1>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">2</span>L’intrigue raconte des noces qui n’aboutissent pas entre Halim, fonctionnaire fantaisiste qui aime les chansons d’Abdelhalim et rendre visite à son père mort dont il entend encore la voix, et Ons, une jeune fille qu’on oblige à se marier après l’avoir empêché de poursuivre ses études à la capitale. Elle consent à l’épouser pour échapper au joug du père mais se rétracte à la dernière minute au moment de la cérémonie. Les deux personnages se retrouvent par la suite dans un espace-temps marginal, loin des codes sociaux du mariage. Est-ce à dire que la rencontre entre individus est possible dans cette sorte de no man’s land ?</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">3</span> <em style="font-weight: inherit;">Où es-tu papa</em>, ironie d’un titre et diagnostic d’une société souffrant du spectre envahissant du Père qui empêche l’individu d’exister pour lui-même. Défaut d’être, duquel les personnages de <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em> tentent de se débarrasser. L’histoire de ce mariage qui ne se fait pas, lien potentiel non abouti, figurerait le refus du conventionnel et esquisserait ainsi une ouverture : l’entrée dans une sphère du possible. L’irruption de la voix du père mort, dimension fantasque du film, ludique plus que fantastique, n’est pas reconduite dans cette virée hors du temps. Néanmoins, le Père est porté autrement par le personnage, porté comme un fardeau sommes-nous tentée de dire. Sa présence sonore en voix off, possible au début du film lorsque le personnage Halim habite encore l’espace social de la ville, ne l’est plus une fois la marge franchie.</div>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">6</span> Du moins c’est ce que Halim comprend, après l’avoir jeté dans le trou. Il s’adresse au spectre de s <a href="http://trans.revues.org/796#ftn6" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">4</span>Au sein de cet espace singulier, la voix du père mort devient pure image, une présence enfermée dans un cadre photographique (sa photo, emportée par Halim : « c’est pratique » dit-il), le dépossédant ainsi de sa dimension spectrale qui envahissait le présent du personnage (allait-il être intégré dans la « juste mémoire » comme dirait Ricoeur ?). Ce père est hégémonique au point de s’infiltrer dans l’espace fantasmé de la marge, mais de manière plus distanciée. Halim serait-il sur la voie de la guérison ? Pas tout à fait. Le dénouement du film reste ambivalent sur la question. En effet, l’accouchement de l’individu autonome ne se fait pas, Halim n’arrive pas à se défaire du père. Après des noces improvisées, organisées par les marginaux, les deux époux se retrouvent dans une chambre tout aussi improvisée et sur un matelas vétuste pour consommer leur mariage, sans y arriver. Le personnage masculin commence par accrocher la photo du père sur le mur. Ons vomit au moment où Halim décide de mettre sa musique qui, pour elle, semble venir d’un autre temps<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn6" id="bodyftn6" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">6</a>. C’est le moment où l’homme décide de l’emmener au « puits des secrets » qu’il qualifie après l’avoir jeté dedans de « puits de la délivrance ». Le rapport de cause à effet entre les deux événements reste ambigu.</div>
</div>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">7</span> Dans <em style="font-weight: inherit;">Les Secrets</em> de Raja Ameri paru en 2010, le geste est inverse. Quelque chose surgit des profond <a href="http://trans.revues.org/796#ftn7" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">8</span> Par rapport à la question de la « projection », nous renvoyons à l’article de Tahar Chikhaoui où il<a href="http://trans.revues.org/796#ftn8" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">5</span>Suite à cet événement, la voix du spectre paternel devient à nouveau audible. Débarrassé du père le temps d’une parenthèse, Halim ne tarde pas à le réclamer : « Winou Baba ? », en enfouissant<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn7" id="bodyftn7" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">7</a> la femme aimée dans un trou comme pour se débarrasser de ce qui fut le déclencheur d’un nouveau rapport au monde. Espérons qu’il n’en sera pas de même pour notre rapport à la « révolution », aussi bien promesse de délivrance que secrets inavoués d’un avenir par définition énigmatique. Espérons aussi que cette scène ne sera pas <em style="font-weight: inherit;">a posteriori</em> une « projection »<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn8" id="bodyftn8" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">8</a> néfaste de ce qui va suivre sur le plan historique. Le registre amusé et dérisoire du film exclut néanmoins le tragique. Le trou n’est pas profond, nous voyons Ons s’élancer et appeler Halim, parvenant presque à sortir du puits. Le plan change, sans revenir à cette situation qui demeure ouverte. La scène se prête donc plus à une lecture optimiste : de tentatives en tentatives, Ons finira dehors et libre.</div>
</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">6</span>En effet, ce qui fait l’intérêt de l’approche du cinéaste, c’est qu’elle n’est pas aussi tranchée, elle rend compte de manière subtile des remous, d’une hésitation dans la posture de Halim, coincé entre le désir de s’affranchir et la nostalgie du père. Le dernier plan d’ensemble sur Bizerte installe une atmosphère d’ouverture, une respiration où le regard embrasse un horizon. Ce dernier plan est précédé par quelques répliques contestataires proférées par Halim sur la tombe de son père, lui rappelant qu’il est mort et qu’il n’a aucun droit sur lui. Situation paradoxale où se dit explicitement un désir d’affranchissement qui émerge sans encore pouvoir se consolider.</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">7</span>Toujours dans le sens de ce qui relève d’une tension voire d’une dialectique dans cette quête de l’individu en soi, les personnages sont souvent filmés de haut (en plongée) ou de dos, êtres sans visages mais qui par moments retrouvent leurs expressions, se réapproprient leurs traits singuliers et ce sont les gros plans où ils semblent exister pleinement. Nous allons nous contenter d’en donner un exemple assez significatif pour notre analyse. Lors de sa fuite qui précède l’entrée dans l’espace marginal, un très beau plan où nous voyons le reflet du visage de Ons dans l’eau - visage dont les contours s’évanouissent comme pour préfigurer le désir de se recomposer autrement – configure, à notre sens, un paradigme fondamental dans l’univers cinématographique du réalisateur : le rapport à soi brouillé, suscitant le côté énigmatique de l’agir de ses personnages principaux. Juste après, nous voyons Ons en gros plan toute-puissante à la lisière du nouveau monde qui l’attend. Elle y accède, non par hasard, après le déguisement opéré.</div>
<h1 class="texte" style="font-family: Georgia, serif; font-size: 2.166em; font-weight: normal; line-height: 1.2; margin: 0.923em 0px 0.461em; padding: 0px; text-align: left;">
<a href="http://trans.revues.org/796#tocfrom1n2" id="tocto1n2" style="color: #c05028; text-decoration: none;">Signes d’une « re-naissance » : dé-tissage, travestissement, mise en scène</a></h1>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">9</span> A l’exception de<em style="font-weight: inherit;">Secrets</em> de Raja Amari où l’on soupçonne une touche de fantastique. L’atmosphère du <a href="http://trans.revues.org/796#ftn9" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">8</span>Le monde des vivants est encore gouverné par les morts. La touche de fantastique évoquée, inédite dans le cinéma tunisien<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn9" id="bodyftn9" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">9</a>, est très originale dans la mesure où elle est plus de l’ordre de l’éthico-esthétique que de l’ordre du paranormal. Elle pourrait figurer la toute- puissance du Père et les tourments de Halim, notre « Hamlet des temps modernes ». Néanmoins, une progression s’est faite par rapport à <em style="font-weight: inherit;"> khorma</em> où le personnage principal finit crucifié pour garder la même structure communautaire. Dans<em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em>, on se mutile de moins en moins, on bricole de plus en plus, on se déguise, on se travestit, probablement pour déjouer l’autorité et tenter d’accéder à soi en mobilisant l’artifice.<strong style="font-style: inherit;"></strong></div>
</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">9</span>L’espace de la marge où domine l’élément naturel (essentiellement la mer) n’est pas exempt d’un travail de mise en scène : efforts des marginaux composants avec la pauvreté en matériaux pour créer leur propre monde ; pauvreté suscitant une ingéniosité qu’ils n’auraient sans doute pas eue dans un autre contexte. Cela se manifeste au moins à trois occasions : d’abord le fauteuil installé comme trône sous cet arbre surplombant la grande place, sur lequel insiste un plan fixe assez lent. Puis, cette petite demeure improvisée pour les mariés, meublée par un simple matelas déchiqueté. Enfin, plus explicite, l’invention d’une recette de vin, « bricolée » avec des herbes et qui selon les dires du chef des marginaux, maître des lieux, se bonifiera avec le temps. Tout est dit dans cette réplique, ces tentatives de s’inventer dans son corps comme dans son environnement, de créer son propre espace, aussi rudimentaires soient-elles finiront par donner leur fruit avec le temps.</div>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">10</span> La séquence où l’on voit les personnages danser sur une musique que le spectateur devine sans y avo <a href="http://trans.revues.org/796#ftn10" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">11</span> Rigidité et répétitions de la même structure du mal qui empêchent la métamorphose dans<em style="font-weight: inherit;">Khorma</em>, le p <a href="http://trans.revues.org/796#ftn11" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">10</span>Dans le même ordre de ce désir d’affranchissement, la scène des marginaux qui célèbrent les nouveaux liens de Ons et Halim peut être symptomatique d’un processus en train de s’opérer. Les personnages se font passer l’écouteur du walkman de Ons, jouissant ainsi d’une musique<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn10" id="bodyftn10" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">10</a> à laquelle le spectateur n’a pas encore droit, bien qu’il puisse entendre les légères vibrations d’un son imperceptible. Cette musique, qui n’est ni silence ni bruit, à peine sentie sans être dévoilée ne figure-elle pas un élan nouveau sous-jacent, tout aussi inaudible qu’inédit ; musique que la majorité des tunisiens n’entendent pas encore mais qu’ils commencent à pressentir ? L’individu émerge mais n’a droit qu’à la marge semble nous suggérer le film. Il ne peut naître qu’une fois débarrassé du poids social, consentant à sortir d’une logique exagérément communautaire régie par des codes rigides<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn11" id="bodyftn11" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">11</a>. Cela ne veut pas dire que le monde à reconstruire est exempt de toute norme. Dans ce que nous avons appelé l’espace marginal, l’anarchie ne règne pas. Les marginaux ont leur chef et des codes sont en cours de réinvention. De nouveaux partages entre l’individu et le groupe sont en train de s’opérer.</div>
</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">11</span>En effet, ces moments de détachement, d’envol, de conscience de soi sans la médiation d’une structure communautaire écrasante, nous les retrouvons dans les deux premiers films du réalisateur. Ce ne sont que l’affaire de rêves, de fantasmes ; parenthèses temporelles qui parviennent à s’ouvrir mais qui se referment inéluctablement sur les personnages : authenticité d’une rencontre humaine le temps d’une nuit puis retour à des rôles sociaux au lever du jour dans <em style="font-weight: inherit;">Tendresse du loup</em>, moments de liberté consentis puis retour à la même structure du pouvoir dans <em style="font-weight: inherit;">Khorma.</em> Dans<em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em>, nous lisons un tournant : le pas vers la construction de soi dans un nouveau rapport à l’espace communautaire semble s’affirmer progressivement sans dénier les dangers de la régression et les tensions inhérentes à ce travail.</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">12</span>Au sein de l’univers cinématographique bien marqué de Jilanie Essaadi, la question lancinante et obsédante semble être : comment sortir de ce cercle vicieux ? Comment ouvrir une autre dimension du temps, une autre durée sans qu’elle ne finisse par s’abattre sur l’individu ? Comment briser l’éternel retour du même, comment en finir avec cette structure aliénante d’une répétition sans différence ?</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">13</span>D’un film à l’autre, il y a un accouchement qui n’aboutit pas et qui s’obstine à vouloir se faire. Ce désir se lit dans l’agir des personnages après chaque conflit ou crise : on crée des pantins pour rendre le réel plus supportable, probablement pour se donner l’illusion d’avoir une prise sur le réel : Halim et sa poupée de cire qu’il essaie d’animer en Pygmalion maladroit ; Ons qui se réapproprie la violence infligée par le père, lui rasant les cheveux pour la punir. Elle détourne la violence en se rasant entièrement le crâne, mais dans une perspective de transformation de soi, dans un point de vue sur elle-même qui la rend presque plastique quand elle se mire dans sa chambre d’enfant. Les cheveux coupés sont recollés sur la poupée ; échange de procédés entre l’art et la vie. La poupée devient plus vivante en étant parée des cheveux réels de Ons ; Ons semble se déguiser en poupée à la recherche d’un souffle de vie.</div>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">12</span> Au moment de la sortie du film en 2010, nous avons écrit ces quelques phrases pour décrire les dern <a href="http://trans.revues.org/796#ftn12" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">14</span>Cette scène se fait dans la joie, moment ludique ramenant à l’enfance, à un stade où les possibles sont on ne peut plus ouverts. Coupée, la robe de mariée de la veille, cette robe trop longue qui l’empêchait de se mouvoir à sa guise, devient nettement plus belle. La transformation du vêtement (l’un des plus codifiés) facilitera le mouvement du personnage au cours de sa déambulation dans les rues de Bizerte sous les regards étonnés et moqueurs des passants. Ce travelling marquant, rejoignant l’élan esthétique du personnage en train d’essayer de se remodeler, en rappelle un autre, celui des <em style="font-weight: inherit;">Secrets</em> de Raja Ameri. Le contraste entre les deux travellings est assez édifiant. Dans <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em> les passants réagissent à la vue de Ons, rasée et déguisée en petite fille, contrairement à ceux<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn12" id="bodyftn12" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">12</a> de « <em style="font-weight: inherit;">Secrets </em>» qui ne voyaient même pas le sang sur la robe nuptiale d’un personnage sortant des abysses. Entre les deux films, il y a eu la révolution du 14 Janvier. Même si la réaction des passants de <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em> est ironique, elle demeure positive. Un pas est fait. Le corps social n’est plus inerte.</div>
</div>
<h1 class="texte" style="font-family: Georgia, serif; font-size: 2.166em; font-weight: normal; line-height: 1.2; margin: 0.923em 0px 0.461em; padding: 0px; text-align: left;">
<a href="http://trans.revues.org/796#tocfrom1n3" id="tocto1n3" style="color: #c05028; text-decoration: none;">Musique et remous </a></h1>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">13</span> Dans le sens des douleurs et de la souffrance qui précèdent un accouchement mais aussi dans le sens <a href="http://trans.revues.org/796#ftn13" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">15</span>Le traitement de la musique dans ces films fait sens et dit à sa manière ce va-et-vient, remous, flux et reflux d’une subjectivité qui se débat dans des mouvements vertigineux. La composante musicale dans les films de Jilani Essaadi atteste, à notre sens, des contradictions, voire des contractions<a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn13" id="bodyftn13" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">13</a>au bout desquelles la joyeuse « re-naissance à soi » s’avère possible de plus en plus possible. Dans <em style="font-weight: inherit;">Khorma</em>, trop de musique reconnaît le réalisateur, dans <em style="font-weight: inherit;">Tendresse du loup</em> de moins en moins de musique et celle-ci surgit souvent après un mal subi par l’un des personnages comme pour panser ses blessures, l’anesthésier, l’isoler du mal ambiant. Dans <em style="font-weight: inherit;">Tendresse du loup</em>, le plan de la danse au ralenti après le viol est montré parallèlement avec le suicide de l’un des violeurs. La Musique fonctionne par moments comme ligne de fuite, voire comme une pause dans la violence, mais qui paradoxalement peut aussi bien la relancer. Au moment où une véritable rencontre s’esquisse entre Salwa et Stoufa, le spectateur a droit au dialogue sans musique. Les personnages dans cette scène ne sont plus hypnotisés par le magma social, le jeu des regards et des corps en rend compte. Ils s’entendent ; « quelque chose » passe au-delà du langage codé. Dans cette scène, les deux personnages ne sont plus des codes qui répondent à d’autres codes, mais des êtres ouverts l’un à l’autre, avec ce que cela implique comme fragilité.</div>
</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">16</span>Dans l’univers cinématographique de Jilani Essaadi, on serait à la recherche d’un autre rythme inédit, celui qui fait joyeusement danser, à la manière de « Zorba le Grecque », les marginaux de <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em> et que nous n’entendons toujours pas, que nous finirons par entendre, le jour où l’individu sortira de la marge vers le centre. Halim, fonctionnaire ordinaire, initié à l’écoute de cette musique par Ons, a failli accéder à son individualité mais obsédé par le Père, il emmène ce dernier jusqu’à l’espace de son errance et rate ainsi sa « naissance à soi ». Et pourtant, il essaie d’expulser ce qui le retient dans cet état régressif, lui conférant le statut d’un déchet encombrant, en « chiant », en pissant, en vomissant.</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">17</span>Après son viol, Khorma chante Abdelhalim. La musique apaise mais condamne à la répétition du mal en le rendant supportable. Elle efface son effet et relance ainsi la même structure rigide. Cercle vicieux où le personnage Khorma devient lui-même bourreau. Dans <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em>, on tente de briser cette structure par une caméra de plus en plus attentive aux sons (musiques, mais aussi bruits de la ville et de la nature), attentive aux éléments de la vie s’adressant à nos sens : l’eau de la mer de Bizerte, le vent toujours au bord de cette mer qu’on pourrait opposer à la terre du cimetière. Autrement dit, pour ne plus reproduire la même structure aliénante, ce cinéma tente de susciter la présence (critique) du spectateur, de réaliser les conditions de possibilité d’un surgissement de l’ « exister », d’inscrire le spectateur dans une durée n’aliénant ni son corps ni son esprit, à l’image de ces moments authentiques, sans carapaces, où les personnages, comme écorchés vifs, cessent d’être des codes, parviennent à échapper à la position de caractères pour devenir des sujets énigmatiques, reconnaissant leurs singularités.</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">18</span>Cinéma aussi étonnant que provocateur, mettant l’individu face à soi-même, à son image la plus élémentaire : pisser, chier, dire des gros mots, quoi de plus intime ! Susciter la présence du spectateur, l’introduire dans cet univers fictionnel déroutant se fait ainsi essentiellement à travers la musique, celle de la vie comme celle de l’art. Dans cet univers cinématographique, dès le premier film, le rythme de l’image comme celui du son accède à un langage subtil décrivant une réalité et des aspirations sans réduire les ambivalences.</div>
<div class="textandnotes" style="margin: 0px; padding: 0px; position: relative;">
<ul class="sidenotes" style="margin: 0px; overflow: hidden; padding: 0px; position: absolute; right: -12.5em; text-align: left; top: 0px; width: 11em;">
<li style="background-image: none; color: #888888; font-size: 0.833em; line-height: 1.44; list-style: none; margin: 0.2em 0px 1.44em; padding: 0px; text-align: left;"><span class="num" style="font-weight: bold;">14</span> Il s’agit d’un film inédit fait et projeté à l’occasion de <em style="font-weight: inherit;">Dream city. </em>Ce que nous en disons repren <a href="http://trans.revues.org/796#ftn14" style="color: #c05028; text-decoration: none;">(...)</a></li>
</ul>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">19</span>Tantôt agi, déclenché comme se déclencherait un état léthargique, suite à une violence insupportable, tantôt agissant, happant le spectateur dans un univers intimiste, vertigineux comme pour éveiller son désir de renaître, le travail du rythme se dévoile de plus en plus dans le dernier film expérimental du réalisateur <em style="font-weight: inherit;">Bidoun 1</em><a class="footnotecall" href="http://trans.revues.org/796#ftn14" id="bodyftn14" style="color: #c05028; font-size: 0.833em; font-weight: bold; line-height: normal; padding-left: 0.3em; text-decoration: none; vertical-align: top;">14</a>. Les matériaux s’adressant aux sens du spectateur sont presque les mêmes : bruitage, bruit de l’eau au contact des nageurs, respiration inédite du réalisateur portant sa caméra à même le corps, respiration des ruelles de Bizerte (ville natale du réalisateur) à l’aube ou à l’heure de la rupture du jeûne (temps de la lisière, à la fois fin et début d’un monde). Et encore une fois, plus saisissante, une bande originale du film hypnotique accompagne ce qui ressemble à une déambulation au fond de soi, happant le spectateur à l’intérieur, comme pour l’inviter à en ressortir autre. Ainsi, de l’expulsion qu’on retrouve dans les autres films, nous passons à une absorption de l’autre en soi, mais nous lisons toujours, en filigrane, l’intention de donner naissance à ce qui pourrait accéder à l’ « exister » plutôt qu’une confirmation de l’être préétabli.</div>
</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span class="paranumber" style="color: #999999; display: block; left: -6em; position: absolute; text-align: center; top: 0px; width: 6em;">20</span>Nous pensons enfin que les tensions inhérentes à cet univers particulier de Jilani Essaadi, perçues et ressenties par le spectateur, pourraient se lire comme les symptômes d’un travail en train de se faire au niveau de la grande comme de la petite H/histoire.</div>
<div class="texte" style="margin-bottom: 1em; margin-top: 1em; padding: 0px; position: relative;">
<span style="font-size: 11px; line-height: 16.487998962402344px; text-align: start;">« Spectres et émergence de l’individu dans </span><em style="font-size: 11px; line-height: 16.487998962402344px; text-align: start;">Winou baba </em><span style="font-size: 11px; line-height: 16.487998962402344px; text-align: start;">de Jilani Essaadi », </span><em style="font-size: 11px; line-height: 16.487998962402344px; text-align: start;">TRANS-</em><span style="font-size: 11px; line-height: 16.487998962402344px; text-align: start;"> [En ligne], mis en ligne le 25 février 2013, consulté le 08 mai 2014. URL : http://trans.revues.org/796 </span></div>
</div>
<a class="go-top" href="http://trans.revues.org/796#article-796" style="background-color: black; background-image: url(http://trans.revues.org/images/widgets.png); background-position: -69px -100px; background-repeat: no-repeat no-repeat; color: #c05028; display: block; height: 15px; overflow: hidden; position: absolute; right: 1.5em; text-decoration: none; text-indent: -9999em; top: 3em; width: 15px; z-index: 9;">Haut de page</a></div>
<div class="section" id="notes" style="background-color: white; clear: left; color: #333333; font-family: Verdana, sans-serif; font-size: 12px; line-height: 18px; margin: 3em 0px; padding: 0px; position: relative;">
<h2 class="section" style="border-color: rgb(228, 228, 228); border-style: solid; border-width: 1px 0px; font-size: 12px; font-weight: normal; margin: 0px -14em 1.5em 0px; padding: 0.5em 14em 0.5em 0px;">
<span class="text" style="color: #666666; font-size: 1.25em; line-height: normal;">Notes</span></h2>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn1" id="ftn1" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">1</a> Le réalisateur produit lui-même ses films. Il a sa propre maison de production :<em style="font-weight: inherit;">JS</em>. Jilani Essadi a une manière de travailler assez particulière, un rythme singulier ; il réalise un ensemble de films et choisit par la suite le moment de la diffusion de tel ou tel film.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn2" id="ftn2" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">2</a> Alfred de Musset, <em style="font-weight: inherit;">La Confession d’un enfant du siècle</em>, Gallimard, 1973, 1836.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn3" id="ftn3" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">3</a> <em style="font-weight: inherit;">Idem</em>.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn4" id="ftn4" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">4</a> <em style="font-weight: inherit;">Idem</em>.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn5" id="ftn5" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">5</a> <em style="font-weight: inherit;">Idem</em>.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn6" id="ftn6" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">6</a> Du moins c’est ce que Halim comprend, après l’avoir jeté dans le trou. Il s’adresse au spectre de son père en ces termes : « au moins tu ne vomis pas, toi, quand je mets Abdelhalim ».</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn7" id="ftn7" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">7</a> Dans <em style="font-weight: inherit;">Les Secrets</em> de Raja Ameri paru en 2010, le geste est inverse. Quelque chose surgit des profondeurs, remonte à la surface contrairement à <em style="font-weight: inherit;">Winou baba</em> où le personnage masculin enfonce volontairement ce qui le dérange dans un puits, peu profond néanmoins, sans que cela ne soit définitif, vu la contestation contre le dirigisme du père à la fin du film. Ceci pour dire qu’il s’agit plus de tensions que de mouvements clairs et séparés.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn8" id="ftn8" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">8</a> Par rapport à la question de la « projection », nous renvoyons à l’article de Tahar Chikhaoui où il définit cette notion en recourant entre autres au film de Raja Ameri cité ci-dessus : « La jeune femme tout habillée en blanc mais maculée de sang traversant l'avenue Bourguiba, salissant « la propreté » de la place située juste en face du ministère de l'intérieur en dit long sur la situation politique voire « pré-dit » fortement ce que cette même place va connaître quelques années plus tard. Quand on pense que cette femme sort littéralement de dessous la terre, d'une cave souterraine, en marge de la société, dont l'existence est insoupçonnée jusque par ceux-là mêmes qui habitent juste au-dessus d''eux. Comment peut-on ne pas penser à l'explosion populaire à l'origine de la révolution, l'émergence des profondeurs de la société de couches de la société dont on a oublié jusqu'à l'existence ? Voilà ce que j'appelle projection. ». Tahar Chikhaoui, « Entre projection et représentation » dans le deuxième numéro de la nouvelle revue électronique tunisienne « Dissonances » à l’adresse suivante : http://nachaz.org/index.php/fr/111-nachaz2-tahar.html.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn9" id="ftn9" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">9</a> A l’exception de <em style="font-weight: inherit;">Secrets</em> de Raja Amari où l’on soupçonne une touche de fantastique. L’atmosphère du film s’y prête sans qu’on puisse l’attester.</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn10" id="ftn10" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">10</a> La séquence où l’on voit les personnages danser sur une musique que le spectateur devine sans y avoir accès au moment de célébrer les nouvelles noces de Halim et Ons.</div>
<div class="texte" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; position: relative; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn11" id="ftn11" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">11</a> Rigidité et répétitions de la même structure du mal qui empêchent la métamorphose dans<em style="font-weight: inherit;"> Khorma</em>, le premier film du réalisateur sortie en 2003 ; tentative avortée d’un lien authentique débarrassé des lois du groupe entre Salwa, la prostituée, et Stoufa, le témoin du viol dans <em style="font-weight: inherit;">Tendresse du loup</em>, son deuxième film sortie en 2007. La figure du marginal y est tout aussi présente et reste irréductible à une explication téléologique tel que le décrit Insaf Machta : « Loin d’être une catégorie préétablie, le marginal est un personnage ouvert, impliqué dans une aventure à laquelle rien ne le prédestine et qui fait toute sa complexité ». Il en est de même pour la présence de l’ingrédient fantastique ludique contrecarrant la logique écrasante de la norme. Concernant ces deux films, l’auteur parle d’ : « un traitement narratif audacieux, expression d’une sensibilité ludique qui ne recule pas devant le risque de l’invraisemblance et qui laisse libre cours par moments à une forme d’onirisme emprunt de trivialité ». Insaf Machta, « L’épaisseur du réalisme dans les films de Jilani Essaadi » paru dans <em style="font-weight: inherit;">Ettarik Eljadid</em>, juin 2008, consultable à l’adresse suivante :<a href="http://www.cinelecture.blogspot.com/2010/07/khorma-et-tendresse-du-loup-de-jilani.html" style="color: #c05028; text-decoration: none;">http://www.cinelecture.blogspot.com/2010/07/khorma-et-tendresse-du-loup-de-jilani.html</a> .</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn12" id="ftn12" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">12</a> Au moment de la sortie du film en 2010, nous avons écrit ces quelques phrases pour décrire les derniers plans du film <em style="font-weight: inherit;">Dawwaha</em>. L’article d’où sont extraites ces phrases n’a pas été publié : «Les derniers plans sur l’avenue Habib Bourguiba sont saisissants par leur mouvement et leur étendue : cela respire, cela bouge…Le prix de cette liberté entache la robe blanche de cet être hybride que le tunisien a toujours été, même s’il l’ignore et s’ignore lui-même. Elle, Aicha sourit et continue à avancer. Eux les passants ne se rendent compte de rien. C’est à cette ignorance-là, à la fois méconnaissance et indifférence, que nous faisons référence. Personne ne prend la peine de s’arrêter sur ce qui est désormais flagrant, le rouge sang de la liberté émergeante sur une robe nuptiale. ».</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn13" id="ftn13" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">13</a> Dans le sens des douleurs et de la souffrance qui précèdent un accouchement mais aussi dans le sens positif de « contracter » une nouvelle habitude, d’acquérir une nouvelle manière d’être. Il ya aussi le contrat de mariage en sourdine, contrat qui ne se réalise ni dans l’espace social ni dans l’espace de la subjectivité marginale reprenant cette même structure d’un lien « dé-tissé » ne parvenant pas à être « re-tissé » autrement. En ce sens Ons et Halim sont deux versants d’un même personnage où Ons serait une sorte d’anti-Pénélope et Halim la résistance inhérente à ce désir de « déliaison ».</div>
<div class="notesbaspage" style="font-size: 0.916em; margin-top: 1.636em; padding: 0px; text-align: justify;">
<a class="FootnoteSymbol" href="http://trans.revues.org/796#bodyftn14" id="ftn14" style="color: #c05028; font-weight: bold; padding-right: 0.4em; text-decoration: none;">14</a> Il s’agit d’un film inédit fait et projeté à l’occasion de <em style="font-weight: inherit;">Dream city. </em>Ce que nous en disons reprend les propos du débat ayant suivi cette projection, animé par Tahar Chikhaoui. Les analyses de certains spectateurs avertis (Asma Guezmir concernant la question du rythme en tant que personnage à part entière, Sami Bargaoui notant l’évolution d’un mouvement partant de l’intérieur vers l’extérieur (expulsion) à un mouvement inverse d’intériorisation…), cinéphiles suivant la trajectoire du réalisateur dès ses débuts, nous paraît une bonne manière d’illustrer cette « présence », tout aussi ontologique que critique, sollicitée chez le spectateur par le cinéma de Jilani Essaadi.</div>
</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2318783463293238941.post-32988739450699787152014-05-09T05:48:00.001-07:002014-05-09T05:50:23.262-07:00Notes sur Dawaha de Raja Amari ou nos figures abyssales <table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2_lVnWShshJMSt5S55nLSZu9XQGoXaDXBT0IOjY1hVI86eAhsAJQjYaSfXeS6e1I5NCw8FdWxXqocs7c2-mD3-ms3Y5stoJ0PFtCyUl42Us77SNSpw0g5fGVcmwJZzoQEi6dLWYw9C1A/s1600/dawaha-101110-1.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2_lVnWShshJMSt5S55nLSZu9XQGoXaDXBT0IOjY1hVI86eAhsAJQjYaSfXeS6e1I5NCw8FdWxXqocs7c2-mD3-ms3Y5stoJ0PFtCyUl42Us77SNSpw0g5fGVcmwJZzoQEi6dLWYw9C1A/s1600/dawaha-101110-1.jpg" height="160" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><br /></td></tr>
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Dawaha ou Les Secrets de Raja Amari est un pur plaisir pour les yeux comme pour l’esprit : Cinéma, sans doute allégorique, mais à partir d’un récit éminemment brutal et on ne peut plus concret. Il s’agit de l’histoire souterraine de trois femmes, vivant comme des rongeurs sous un château abandonné aux allures aristocratiques ; lieu chargé de mémoire qui synchronise divers temps. Visité par des jeunes, cet espace se transforme en l’une des boites branchées qui peuplent l’espace tunisien d'aujourd’hui. Toutefois, la visite abrupte d’un être émergeant des abysses du château, sorte de « Ça » qui remonte de la cave vers la lumière, les met face à face avec quelque chose (ou quelqu’un) d’archaïque, dont ils se moquent, ne mesurant pas le danger potentiel qu’il peut présenter.</div>
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Certes, l’archaïque rend visite au moderne, mais le sens inverse est aussi présent dans le film : Selma, belle fée moderne pour Aicha (archaïque), cherchant significativement à sauver celle-ci, se trouve prisonnière des trois femmes, dans leur espace labyrinthique. D’abord violent, le face à face se transforme en une rencontre ; par moments bienfaisante pour les deux camps. Une complicité naît peu à peu entre la grande sœur et Selma. Celle-ci l’envoie à une amie styliste pour mieux vendre ses confections. Archaïque et moderne deviennent intimes lorsque la grande sœur fait prendre un bain à Selma… Finalement, elles ne sont pas aussi différentes. Toutes deux connaissent l’amour interdit et illégitime. La nuance est à découvrir au moment du dévoilement du rapport incestueux.</div>
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Cadrage et lumière servent cette intrigue et la construisent plus que le dialogue. Le plan qui ouvre le film figure déjà la profondeur abyssale de l’espace-temps à découvrir : portes s’encastrant les unes dans les autres comme le mouvement d’un cercle concentrique, contrastes des lumières plus ou moins fortes et accentuées entre le souterrain (Ça) et le « sur-terrain » (Sur-moi) sommes-nous tentée de dire.</div>
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Les personnages se mirent les uns dans les autres. La grande sœur et mère (condensation comme la figure dominante du film), en assassinant le moderne (Selma) avec lequel elle se réunit par moments, figure-t-elle ainsi l’impossibilité de la réconciliation ? L’entente est pourtant là ! Elle se réalise grâce à cet être bâtard (à ne pas prendre au sens négatif), figure du métissé et de l’hybride ; richesses et potentialités d’une terre dont on oublie souvent l’histoire transculturelle. C’est le mouvement du potentiel (Aicha) fasciné par le moderne (Selma) qui dessine ainsi le désir de s’actualiser. Pour voir la lumière, pour être libre, après s’être découvert grâce à la visite de l’étrangère moderne, le potentiel doit sacrifier celles qui croyaient le protéger en l’empêchant de vivre et de s’aventurer dehors.</div>
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Parallèlement au premier plan, les derniers (plans) sur l’avenue Bourguiba sont saisissants par leur mouvement et leur étendue : cela respire, cela bouge… Le prix de cette liberté entache la robe blanche de cet être hybride que le tunisien a toujours été, même s’il l’ignore et s’ignore lui-même. Elle, Aicha, sourit et continue à avancer. Eux, les passants ne se rendent compte de rien…C’est à cette ignorance-là, à la fois méconnaissance et indifférence, que nous faisons référence. Personne ne prend la peine de s’arrêter sur ce qui est désormais flagrant : le rouge sang de la liberté potentielle sur une robe nuptiale. Que de signes peuplent ce film courageux. Les quelques notes dépréciatives le condamnant, loin de constituer une critique fondée et constructive − dépréciations moralistes, impressionnistes et incongrues − ne démontrent que la peur de soi.</div>
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Tunis, 4 mai 2010</div>
Sihem Sidaouihttp://www.blogger.com/profile/11052947415162083007noreply@blogger.com0